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rier de Lyon au théâtre de la Gaîté. Le conducteur, que je reconnais à son accent berrichon, m’apprend qu’il est d’Argenton. Nous coupons à travers un bois de lentisques, qui sont ici de la taille des chênes, pendant que les chevaux gravissent la côte au pas. À l’approche du fleuve Mazafran, nous sommes pénétrés par l’humidité : belle vallée entourée de montagnes vertes ; au fond, une vaste ferme nous rend le spectacle de la culture et des moissons au milieu d’un pays fertile, mais encore inculte.

Koléah est une très petite ville arabe. C’est la patrie des zouaves. C’est ici que le général Lamoricière forma ce corps d’armée. Nous tombons au beau milieu du dîner des officiers. Entre Français, la connaissance est vite faite : demain nous irons tous ensemble en promenade. Tous ces messieurs sont fort aimables.

31 mai. — Fort peu de sommeil, trop de moustiques et autres dévorans. Avant déjeuner, nous descendons aux bords du Mazafran. Le soleil du matin enflamme les cimes de l’Atlas ; de grands aigles planent sur nos têtes. Nous revenons par un sentier humide perdu dans la verdure. Les zouaves ont un jardin magnifique et délicieux au fond du ravin, admirablement cultivé par eux : parterre plein de fleurs, kiosques, potager ; des orangers superbes dont les fruits sont parfaits.

Après déjeuner, on monte à cheval. Prosper, qui a été très fatigué hier, choisit un animal paisible. On me donne un étalon arabe qui manque de retenue dans ses grâces auprès de la jument du lieutenant Daily. Ce n’est pas un cheval de naturaliste ; il faudra pourtant bien qu’il se prête à ma fantaisie. À cet effet, je me tiens à distance. Le but de notre promenade est Fouka, village construit sur des ruines romaines, et Ben-Ismaël, prononcez Castiglione. Nous traversons des garigues et des défrichemens. La mer est assez près. Les dunes de sable sont couvertes de petites plantes où je vois courir de grosses pimélies (senegalensis, ambigua et barbara). Mon étalon prend son parti de me laisser descendre pour ramasser quelques insectes que je n’avais pas encore rencontrés en Afrique, scaurus tristis et striatus, erodius barbarus, et plusieurs espèces de mylabres, chrysomèles et clérons. J’aperçois un caméléon sur les lentisques brûlés par les colons ; mais mon cheval, qui mordait peu à l’entomologie, s’impatiente d’être en arrière de ses compagnons, et le caméléon n’attend pas que j’aie persuadé ma monture. Des blés, un peu de vigne, quelques prairies, une belle plage de sable pour débarquer ; au loin, le tombeau de la chrétienne, ou de la roumi, ou de la reine. C’est, dit-on, le sépulcre des anciens rois de Mauritanie, un vrai monument, qui fait grand effet dans le lointain. Au-delà de koléah, plus de route pour aller à Cherchel, bien