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exemples en Europe, où les frontières sont plus rapprochées, les distances moins grandes, les transports par terre facilités par de nombreuses voies de communication.

Je ne pourrais, sans m’écarter du plan de cette étude, toucher, même sommairement, à tous les points litigieux du droit maritime ; je me borne à indiquer les principaux. Il faut cependant dire quelques mots d’un fait récent qui doit se renouveler et qui a soulevé une controverse de nature à prouver combien sont peu connues les règles du droit maritime. Lorsque le Nashville, appartenant à la marine du sud, est entré à Southampton après avoir détruit en mer un navire du nord, quelques personnes ont cru que la neutralité était violée par l’admission du Nashville dans un port anglais : c’est une erreur. L’état neutre n’est tenu qu’à observer la plus stricte impartialité dans le traitement qu’il accorde aux belligérans ; il peut leur fermer ses ports, il peut les leur ouvrir ; son seul devoir est de placer les vaisseaux de guerre et les corsaires de chacun sur un pied de parfaite égalité, de ne recevoir aucune prise et de ne permettre aucune hostilité dans les limites de sa juridiction[1].

Je ne pousserai pas plus loin ces réflexions. Je crois en avoir assez dit pour montrer quel est l’état incertain et précaire du droit maritime international et combien il importe qu’un prompt remède soit apporté à cette situation, pleine de périls pour la paix du monde. L’incident déplorable du Trent serait à lui seul la preuve de ce que j’avance, si l’évidence avait besoin de preuves. Que la guerre se prolonge en Amérique, et d’autres incidens se présenteront ; que la guerre éclate entre l’Angleterre et les États-Unis, et les chances de complications entre les belligérans et les neutres seront décuplées, les conflits naîtront partout, à propos de tout. — Contrebande de guerre, blocus, droit de visite, tout est sujet à contestation, car tout est livré à l’interprétation et à l’arbitraire. Supposons en effet que le gouvernement fédéral eût adhéré aux déclarations du traité de Paris, rien n’eût été changé, car rien dans ces déclarations ne s’applique directement au cas du Trent. L’Angleterre n’aurait pas eu un seul argument de plus à faire valoir, vis-à-vis d’une des parties contractantes au traité de Paris, que les raisons qu’elle a opposées si justement au gouvernement fédéral. C’est dans l’état antérieur de la jurisprudence des nations, dans des précédens, dans des traités, dans des inductions, qu’il a fallu chercher les argumens qui ont été mis en avant par les avocats officieux des deux causes. Peu importe

  1. Le gouvernement espagnol vient de traiter le Sumter, qui n’est qu’un corsaire, comme le gouvernement anglais avait traité le Nashville, comme on avait déjà traité le Sumter à la Martinique. Il y aurait inhumanité à refuser des vivres ou les moyens de réparer des avaries à un navire en détresse.