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pour objet principal la saisie des marchandises ennemies, que ses tribunaux déclaraient de bonne prise sur les navires neutres, prétention à laquelle elle a renoncé par le traité de Paris. Cependant la visite est aussi nécessaire à la constatation de la nationalité et à la saisie, à bord des neutres, de la contrebande de guerre qu’elle l’était lorsqu’elle avait pour but la confiscation de la marchandise ennemie. On comprend dès lors qu’avec l’élasticité que donnent à la contrebande de guerre les termes généraux de la déclaration de 1850, et par suite du manque absolu de stipulations relatives à la visite, tout reste livré, comme jadis, à l’arbitraire des belligérans.

La visite des navires marchands a été toujours acceptée, en temps de guerre, pour la constatation de la nationalité et pour la vérification de la contrebande de guerre ; mais tous les traités qui s’en sont occupés depuis le traité des Pyrénées de 1659[1] l’ont assujétie à des formes protectrices de la dignité des pavillons neutres et des intérêts de commerce. Ils ont fixé la distance à laquelle doit s’arrêter le vaisseau visiteur, le nombre d’hommes qu’il peut faire monter à bord du navire visité. Ces traités ont interdit toute recherche, toute saisie, tout enlèvement, n’autorisant que l’examen des papiers de bord, ne conférant au belligérant, en cas d’infraction manifeste à la neutralité ou de suspicion légitime, d’autre pouvoir que celui de conduire le navire coupable ou justement suspect dans un port pour y être jugé. Des questions si délicates, parce qu’elles touchent à l’honneur des pavillons, ne peuvent être trop tôt résolues, de manière à ne laisser subsister aucun doute, à ne permettre aucune dissidence. Il paraîtra probablement nécessaire d’assimiler aux navires convoyés, c’est-à-dire de dispenser de la visite, les paquebots faisant le service de la malle, à bord desquels se trouve un agent officiel des postes. La liberté, la sécurité, la régularité des communications de ce genre intéressent tout le monde, et la saisie d’un paquebot, le retard des correspondances peuvent être la cause de graves préjudices.

C’est quelque chose sans doute, mais ce n’est pas assez que d’avoir

  1. Je ne connais qu’une seule convention où l’Angleterre ait obtenu une déviation de ces règles, c’est la convention de 1707 avec la Russie ; encore faut-il dire que l’article est rédigé en termes vagues et généraux : « Quant à la visite des vaisseaux marchands, les vaisseaux de guerre et corsaires se conduiront avec autant de modération que les circonstances de la guerre permettront d’en user envers les puissances amies restées neutres, et en observant le plus qu’il sera possible les principes généralement reconnus et les préceptes du droit des gens, » Singulière rédaction pour un article de traité ! La Russie ne tarda pas à regretter sa faiblesse, et lorsqu’en 1807, après le bombardement de Copenhague, elle déclara la guerre à l’Angleterre, on put lire entre autres griefs, dans le manifeste impérial, Il que, contre la foi et la parole expresse des traités, l’Angleterre tourmentait sur mer le commerce des sujets de la Russie. »