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le commerce et les transports entre l’Angleterre et La Havane ou le Mexique, que la France, en guerre avec l’Angleterre, ne pourrait arrêter et saisir dans la Mer du Nord, sous quelque prétexte que ce fût, un navire russe faisant voile pour Anvers ou pour la Méditerranée. Le seul droit d’un croiseur en pareil cas est de s’assurer de la destination du neutre par l’examen des papiers de bord. Cette dernière réflexion conduit naturellement à parler du droit de visite, qui n’est pas même mentionné dans les déclarations du traité de Paris. Cependant les plus graves conflits sont nés, à diverses époques, de ce droit, non contesté en temps de guerre, mais qu’il faut distinguer du droit de recherche[1], et qui ne peut être exercé à l’égard des navires convoyés, c’est-à-dire escortés par des vaisseaux de guerre appartenant aux pays neutres. Le droit de visite rappelle la longue et courageuse lutte, des marines du Nord contre la Grande-Bretagne ; il réveille le souvenir des combats glorieux entre des escadres anglaises et des frégates danoises et suédoises aimant mieux s’exposer à être coulées bas que de laisser insulter leur pavillon et de souffrir la visite des navires placés sous leur protection.

Dans la discussion soutenue avec tant de fermeté et d’éclat par M. de Bernstorff contre les exigences du cabinet britannique en avril 1800, le diplomate anglais, M. Merry, poussé dans ses derniers retranchemens, s’écriait : « Voyez où conduit votre doctrine ! grâce à elle, l’escorte d’un brick suffirait pour dispenser de la visite toute la marine marchande du Danemark rencontrée par toutes les flottes de l’Angleterre. » La réponse de l’illustre ministre danois fut aussi juste que pleine d’à-propos : « Voyez, à votre tour, où conduit votre doctrine ! grâce à elle, toutes les flottes du Danemark commandées par ses amiraux ne pourraient pas dispenser un convoi d’être visité par un corsaire anglais. »

À cette époque, le droit de visite réclamé par l’Angleterre avait

  1. La recherche (search) est très différente de la visite. La visite consiste à s’assurer par l’examen des papiers de bord de la nationalité du navire, de sa destination et de la composition de la cargaison. Par la recherche, le belligérant, ne tenant aucun compte des papiers de bord, s’arroge le droit de perquisition. La visite doit être soufferte par le neutre comme conséquence légitime des droits du belligérant. La recherche (sauf le cas où existent des motifs de suspicion que le visiteur doit énoncer) est une vexation et une injure que n’ont jamais tolérées les nations soigneuses de leur dignité. Il est une autre visite qui s’exerce en temps de paix, dans des parages déterminés, et dont le but est la répression de la traite des noirs ; cette visite ne peut être imposée au pavillon d’un pays qui n’y a point consenti. La France l’a acceptée par des conventions spéciales avec l’Angleterre ; les États-Unis n’ont jamais voulu s’y soumettre. Quelque jugement qu’on porte sur ce point, comme il est étranger à notre sujet, il n’y a pas à s’en occuper ici.