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qui composait à l’origine la nébuleuse entière d’où par degrés est sorti notre système compliqué de planètes.

Quoi qu’il en soit, à mesure que l’astronomie étudie avec plus de soin les phénomènes du ciel, elle y rencontre de plus surprenantes merveilles. Que de belles découvertes faites récemment dans notre propre système solaire, que l’on se flattait pourtant d’avoir entièrement exploré ! Parmi ces découvertes, celle de MM. Kirchhoff et Bunsen restera comme une des plus importantes. L’analyse spectrale de l’atmosphère solaire a donné la preuve de l’unité chimique de notre système planétaire, et peut-être un jour, appliquée aux étoiles du plus vif éclat, révélera-t-elle une parenté physique entre notre système et tous ceux qui remplissent les infinies profondeurs de l’espace ; mais si elle nous ouvre en quelque sorte les portes de l’infiniment grand, elle nous ramène encore par un autre chemin à l’idée de l’unité dans la nature. En étudiant le spectre, nous reconnaissons aujourd’hui chaque corps simple tenu en suspension dans la flamme dont le prisme de verre décompose les rayons ; mais qu’est-ce qu’un corps simple qui trahit sa présence non par une seule raie brillante, mais par deux, trois, quelquefois par soixante raies ? À mesure que le spectre augmente de netteté, le nombre des raies lumineuses augmente pour chaque substance ; les verrons-nous jamais toutes ? Il est permis d’en douter. Il y a donc là une multiplicité et une indétermination qui s’accordent assez mal, il faut l’avouer, avec l’idée théorique que nous nous faisons d’un corps simple, substance non composée, toujours semblable à elle-même, substratum de toutes les combinaisons chimiques. Faudrait-il, avec quelques esprits hardis, admettre que les corps que nous nommons simples ne nous le paraissent que parce que jusqu’ici nous n’avons pu réussir à les décomposer ? Doit-on croire que les divers corps simples, s’il y en a vraiment de tels, ne sont formés que d’une seule et même matière à des états divers de condensation ? Nous nous trouvons ainsi entraînés à l’idée de l’unité de substance. Gaz, liquides, solides, vide et plein, corps et espaces célestes, satellites, planètes, soleils, etc., ne seraient que les formes transitoires de quelque chose d’éternel, les images éphémères de quelque chose qui ne peut changer, et, dans le tourbillon des phénomènes, dans l’éternel mouvement de toute substance, l’histoire du monde nous montre partout le devenir dans l’être, l’être, dans le devenir.


AUGUSTE LAUGEL.