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du soleil et le second voile à demi diaphane que recouvre le premier se déchirent-ils pour nous montrer le noyau obscur ? C’est ce qu’on n’a jamais pu expliquer. Herschel supposait que le noyau solide était couvert de volcans, dont les vapeurs lancées avec une grande force pouvaient faire une brèche dans l’atmosphère ; mais c’est la une supposition tout à fait gratuite que rien n’est venu corroborer.

Une découverte faite par Arago en 1811 contribua à donner à l’étrange hypothèse de Herschel sur la constitution du soleil un nouveau degré de probabilité. On avait cru pendant longtemps que la lumière émise par des corps incandescens n’était point polarisée[1] ; Arago observa au contraire que la lumière provenant d’un corps incandescent, solide ou liquide, présente toujours des traces de polarisation. La flamme d’un gaz en combustion présente seule les propriétés de la lumière normale. Cette observation fournissait un moyen très simple de découvrir la constitution physique du soleil. S’il était composé d’une masse incandescente liquide, il devait envoyer de la lumière polarisée. Si la photosphère était gazeuse, c’est le contraire qui devait avoir lieu. Or, en regardant le soleil avec un polariscope, Arago n’y a trouvé aucun indice de polarisation : il en a conclu que la partie lumineuse du soleil est gazeuse, et non liquide ou solide.

Les deux enveloppes atmosphériques dont Herschel et Arago ont admis l’existence autour d’un soleil central obscur peuvent avoir environ 4,000 kilomètres d’épaisseur ; mais les singuliers phénomènes observés pendant l’éclipse totale du soleil du 8 juillet 1842 obligèrent les astronomes à reconnaître qu’il existe encore une troisième atmosphère solaire au-dessus de la photosphère proprement dite. Ces phénomènes ont été aperçus de nouveau pendant l’éclipse de l’année 1860. Au moment où la lune vient recouvrir entièrement le disque solaire lumineux, l’écran lunaire s’entoure d’une auréole lumineuse brillante, d’un blanc argenté, qu’on nomme la couronne ; sur le bord de la lune s’élèvent des hauteurs, ou protubérances, que les observateurs comparent tantôt à des montagnes roses dentelées, tantôt à des masses de glace qui seraient rougies, tantôt à des flammes rouges immobiles. Ces protubérances ont une hauteur qui peut atteindre 80,000 kilomètres, distance qui dépasse le diamètre même du soleil. L’ancienne théorie de Herschel ne peut rendre compte de ces étranges apparitions. Si le soleil avait la photosphère pour enveloppe extérieure, le ciel devrait être complétement

  1. On dit que la lumière est polarisée quand les vibrations lumineuses s’exécutent dans des directions déterminées par rapport à la direction du rayon lumineux lui-même.