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spectre de toutes les flammes artificielles, de l’étincelle électrique, de l’arc lumineux produit par un courant entre deux pointes de charbon, celui même des étoiles les plus brillantes. Les physiciens pouvaient varier à l’infini la nature des flammes artificielles ; rien n’est plus facile que de mettre des substances diverses en suspension dans une flamme, de les y maintenir directement au bout d’un fil de platine, ou de les mêlera d’avance à des liquidas qui entretiennent la combustion. L’étude des flammes artificielles a révélé un phénomène au moins aussi extraordinaire que celui des raies obscures du spectre. Lorsque certaines substances sont en ignition dans la flamme, le spectre est traversé par des bandes colorées, d’un éclat exceptionnel, qui ressortent vivement sur le fond général des couleurs ordinaires. Cette circonstance n’avait pas échappé à Frauenhofer, qui avait vu avec étonnement des raies brillantes se dessiner ; dans le spectre de la flamme d’une bougie. Divers physiciens, Brewster, Miller Schwann, soumirent à l’analyse certaines flammes obtenues en brûlant de l’alcool qui contenait des sels divers en dissolution, et ils purent observer les raies brillantes des spectres artificiels avec une plus grande netteté. On apprit ainsi que toute flamme contenant du sodium fournit un spectre où se dessine une raie jaune d’un éclat extraordinaire. Schwann observa même qu’il suffisait de mêler une très petite quantité de sel marin, ou chlorure de sodium, au liquide combustible, pour que le spectre en révélât la présence par l’apparition de la raie jaune.

Il y avait dans cette découverte le germe d’une nouvelle méthode d’analyse chimique. À chaque métal correspondent en effet des raies brillantes de couleurs spéciales et d’une position invariable dans le spectre. Un chimiste peut apprendre à distinguer ces raies aussi aisément qu’il reconnaît les précipités obtenus dans les laboratoires par les réactifs ordinaires ; mais de la sorte la lumière fournit un réactif bien autrement délicat et parfait que tout ce que la chimie connaissait jusqu’ici. Arago, à qui l’optique est redevable de si grands progrès, avait prédit qu’elle apporterait un jour à la chimie des secours inespérés. Un rayon de lumière provenant d’une flamme décèle par ses propriétés physiques l’essence intime du foyer dont il émane. Je vais en citer un exemple, emprunté à M. Kirchhoff, qui a vraiment de quoi surprendre l’esprit. « L’expérience suivante, écrit le savant physicien, montre bien que jusqu’à présent la chimie ne peut, même de loin, mettre aucune réaction en parallèle avec celle du spectre quant à la sensibilité. Nous avons fait détoner 3 milligrammes de chlorate de soude dans l’endroit de la salle le plus éloigné possible de l’appareil, tandis que nous observions le spectre de la flamme peu éclairante d’une lampe à gaz ; la pièce dans laquelle