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LE SOLEIL
D'APRES
LES DECOUVERTES DE MM. KIRCHHOFF ET BUNSEN

La science vient de franchir une de ces distances que la cosmogonie la plus audacieuse ou la plus libre fantaisie ose à peine traverser. L’astronomie avait pesé et mesuré le soleil ; la chimie, aidée de la physique, en fait aujourd’hui l’analyse ; elle vient nous dire : « L’atmosphère solaire renferme à l’état de vapeur un grand nombre des substances qui composent notre planète, le fer, les métaux qui entrent dans la composition de nos alcalis et de nos terres, le potassium, le sodium, le strontium, le calcium, le baryum ; elle contient du chrome, du nickel, du cuivre, du zinc ; il ne s’y trouve, en revanche, ni or, ni argent, ni mercure, ni aluminium, ni étain, ni plomb, ni antimoine, ni arsenic, ni silicium, au moins en quantité notable. Parmi les métaux à la fois telluriques et solaires, j’ajoute le cœsium et le rubidium, hier encore inconnus, métaux qui avaient échappé à tous les procédés d’analyse chimique ordinaire. » Ces affirmations de la science ont quelque chose de si surprenant qu’on serait tenté d’abord de les reléguer sans examen parmi les rêveries d’un Swift, de moraliste devenu chimiste, ou les imaginations d’un nouveau Micromégas ; mais les travaux de MM. Kirchhoff. et Bunsen ne contiennent pas la moindre trace de merveilleux. Ce ne sont point des romans plus ou moins ingénieux où l’on discute sur la pluralité des mondes habitables, où l’on mêle sans façon les hypothèses aux faits, les mystères cosmiques aux réalités du monde sublunaire.