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lorsqu’il s’était réservé le choix des membres des assemblées provinciales.

« Voici une époque bien importante pour la France, et de laquelle il résultera sûrement un grand bien, si, comme il faut l’espérer, tout le monde s’accorde pour y travailler.

« Je profite avec plaisir, etc.

« Le duc de La Rochefoucauld. »


Dans cette lettre remarquable à plus d’un titre, le duc de La Rochefoucauld rappelle qu’il a dû présider l’assemblée provinciale de la généralité, d’où il suit évidemment que cette assemblée ne s’est pas réunie ou n’a eu qu’une existence éphémère. Il nous apprend en même temps qu’au mois de janvier 1789 le gouvernement de Louis XVI avait pris son parti d’abandonner la constitution première des assemblées provinciales, et d’y substituer le régime des états provinciaux que le Dauphiné avait mis en faveur. Il y fait trop facilement peut-être, mais avec un noble désintéressement, abandon du titre de président qu’il tenait de la confiance du roi, et il convie les trois ordres à se réunir dans une seule assemblée pour y préparer tout un plan de constitution pour la province à soumettre au gouvernement et aux états-généraux. Il était impossible, comme on voit, d’abdiquer de meilleure grâce. Le duc insistait sur un seul point, la réunion de l’Aunis à la Saintonge ; mais il n’eut aucun succès. Après comme avant la publication de sa lettre, l’Aunis s’obstina à réclamer des états particuliers. Tous les cahiers de La Rochelle et des environs sont unanimes en 1789, « l’Aunis, pays intéressant par sa position et son commerce, devant obtenir cette faveur de la justice du roi. »

Si la révolution n’était pas survenue, cette persévérance eût probablement réussi, car elle avait tous les caractères d’un sérieux mouvement d’opinion. L’Aunis eût formé une bien petite province ; mais la Flandre, le Hainaut, l’Artois, le Béarn, n’avaient pas beaucoup plus d’étendue. Cette fraction du territoire était alors comme aujourd’hui une des plus peuplées et des plus commerçantes, et elle avait été encore plus prospère avant la révocation de l’édit de Nantes. La révolution a fait par la force ce que la persuasion n’avait pu faire : elle a réuni la Saintonge et l’Aunis dans un seul département, mais la lutte sourde a survécu. Le chef-lieu du département, tour à tour placé à Saintes et à La Rochelle, soulève partout des réclamations. Quand on parle des anciennes provinces, on s’imagine généralement qu’elles formaient toutes de grandes agglomérations, comme la Bretagne ou le Languedoc. C’est une erreur. Beaucoup avaient l’étendue d’un de nos départemens actuels, et quelques-unes moins que l’étendue d’un département.

Quoi qu’il en soit, il est fort à regretter qu’on n’ait pas commencé