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provinciale à Saintes, comme occupant une position plus centrale ; il avait en même temps décidé que, sur les vingt-huit députés, huit appartiendraient à l’élection de La Rochelle, et cinq seulement à chacune des quatre autres élections, et il avait choisi le président hors des deux provinces rivales, espérant que l’ascendant d’un personnage aussi considérable et aussi respecté que le duc de La Rochefoucauld ferait taire ces querelles intestines. Ces espérances ne purent se réaliser ; les députés de l’Aunis refusèrent sans doute de se rendre à Saintes, et l’assemblée avorta.

Deux autres causes peuvent avoir contribué à cette fâcheuse issue. L’intendant de la généralité était alors M. de Reverseaux, dont la résistance avait fait échouer en 1781 l’assemblée provinciale instituée par Necker dans la généralité de Moulins, et qui ne fut probablement pas beaucoup plus favorable à la nouvelle institution. D’un autre côté, la Saintonge appartenait au ressort du parlement de Bordeaux, le seul qui se montra dès le début ouvertement hostile aux assemblées provinciales. Il ne rendit pas d’arrêt spécial contre l’assemblée de Saintonge, comme contre celle du Limousin, mais il avait fait publier dans tout son ressort son refus d’enregistrer l’édit de création.

Des faits d’une date postérieure peuvent servir à éclaircir ces questions. Le 30 décembre 1788, le maire de La Rochelle convoqua, dans cet hôtel de ville si plein de glorieux souvenirs, non-seulement ce qu’on appelait le « corps de ville » en exercice, mais tous les notables qui en avaient fait partie comme maire ou échevins, à l’effet de délibérer sur un mémoire signé d’un grand nombre d’habitans de toutes les classes et demandant qu’il fût adressé au roi d’humbles remontrances pour la réforme générale des abus. Or on y lisait le passage suivant : « Le roi avait jugé utile d’ordonner, par arrêt de son conseil du 27 juillet 1787, la formation d’une assemblée provinciale commune à l’Aunis et à la Saintonge ; mais de fâcheuses dissensions ont empêché l’effet de cette loi bienfaisante. » Tout en qualifiant ainsi ces querelles, le mémoire les renouvelait, car il proposait de demander au roi la création d’une assemblée particulière à la province d’Aunis.

Le maire insista beaucoup sur les avantages de cette séparation ; les événemens du Dauphiné étaient connus à La Rochelle, et le mot devenu magique d’états provinciaux y excitait, comme partout, l’enthousiasme. « Vous emploierez, dit le maire, vos sollicitations les plus vives pour obtenir que nos états provinciaux soient uniquement concentrés dans les bornes du pays d’Aunis. L’Aunis était autrefois enclavé dans la Saintonge. En 1372, il devint une province particulière, et ce démembrement fut une des récompenses accordées