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disait la lettre ministérielle, la situation de la généralité était meilleure que celle d’autres provinces qui se plaignaient moins.

On jugera encore mieux de l’esprit qui y régnait par le passage suivant d’un rapport du bureau de l’impôt : « Il est un principe certain, c’est que toute dispense ou exemption de la loi est destructive de la loi, et, par une conséquence aussi véritable que ce principe, souverainement injuste. Cette vérité est encore plus évidente, lorsqu’on l’applique à la répartition des impôts. En matière de finance, tout privilège d’exemption pèse nécessairement sur tous les autres. Le clergé, la noblesse et plusieurs offices de judicature jouissent de l’exemption de la taille personnelle et de celle d’exploitation. Pour vous prouver combien ces privilèges sont à charge aux peuples, qu’il soit permis de supposer, pour un instant, que dans une paroisse qui comprend 3,000 arpens de terre, et qui paie 6,000 livres en taille et accessoires, il y ait six propriétaires privilégiés qui fassent valoir personnellement chacun quatre charrues, ou environ 300 arpens de terre, nombre accordé par leur privilège : il en résultera que 1,800 arpens de cette paroisse ne porteront aucune partie de la taille, et que les 1,200 restans paieront eux seuls les 6,000 livres d’imposition, ou 5 livres par arpent au lieu de 2, ce qui augmente par conséquent de trois cinquièmes la taxe des contribuables. Le projet du bureau n’est pas de vous engager à demander indistinctement la suppression de tous les privilèges : il en est qui ont été acquis par des services importans rendus à la patrie ; mais ne serait-il pas possible de les restreindre ? Ceux même qui les possèdent ne devraient-ils pas être les premiers à les sacrifier au bien général ? »

L’hypothèse indiquée ne s’était probablement jamais présentée, car les fonds exempts n’excédaient pas en moyenne le cinquième des terres, mais elle était à la rigueur possible ; en tout cas, on voit que dans une assemblée composée pour moitié de membres des ordres privilégiés, les exemptions étaient assez mal traitées.

Après la clôture de la session, l’opinion locale resta occupée des questions qui s’y rattachaient. Les trois provinces avaient eu autrefois des états particuliers dont le souvenir s’était perdu ; le bureau intermédiaire de l’Anjou essaya de le réveiller ; il rédigea en 1788 un mémoire au roi pour demander le rétablissement des anciens états. Les titres s’étaient, disait-il, longtemps conservés dans une tour du château d’Angers ; la chambre des comptes de Paris, instruite que ce dépôt renfermait des pièces importantes pour la couronne, en avait ordonné le transport en son greffe vers 1736, et deux ans après un incendie les avait consumés. Malgré ce malheur, des documens authentiques attestaient encore l’existence des états.