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marqué ; on y entend comme les premiers grondemens de la révolution qui s’avance. L’assemblée refusa tout net l’augmentation demandée pour les vingtièmes et avec des considérans peu convenables : « attendu que l’abonnement qui, considéré en lui-même, est une preuve éclatante de l’amour paternel de notre auguste monarque pour ses sujets, deviendrait onéreux et nuisible par l’extension de l’impôt, que les habitans des trois provinces ont jusqu’à présent regardé l’établissement des assemblées provinciales comme une faveur insigne de sa majesté, qu’en voyant une partie de leurs concitoyens appelés au partage de l’administration ils espéraient voir renaître l’aisance et la prospérité, que les peuples, trompés dans leurs espérances, ne verraient plus dans les nouveaux administrateurs que les extenseurs et non les justes répartiteurs de l’impôt, que les administrateurs, en perdant la confiance de leurs provinces respectives, ne pourraient plus opérer le bien du service du roi, que la population diminue sensiblement dans la généralité, tandis qu’elle augmente dans d’autres provinces du royaume, etc. » Le roi fit répondre en termes sévères, mais justes : a Sa majesté a dû voir avec surprise que l’assemblée générale ait inséré dans sa délibération qu’elle ne pouvait accepter l’abonnement extensif des vingtièmes, et que les peuples, trompés dans leurs espérances, ne verraient plus dans leurs nouveaux administrateurs que les extenseurs et non les justes répartiteurs de l’impôt. Le commissaire du roi fera connaître à l’assemblée que c’est à elle de réaliser les espérances du peuple, lorsque le roi lui en a donné tous les moyens, et qu’elle serait responsable au roi et à la généralité de tout le bien qu’elle n’aurait point cherché à procurer aux habitans des trois provinces. »

L’augmentation demandée était insignifiante et le besoin urgent. Ce sacrifice, si c’en était un recevait d’ailleurs une compensation plus que suffisante par la concession d’un abonnement. Ce n’était pas au moment où le roi se bornait à demander ce que ses prédécesseurs auraient exigé qu’il convenait de se montrer si difficile. Les premières assemblées provinciales avaient réclamé avec instance cet abonnement, qui coupait court pour l’avenir à l’accroissement continu de l’impôt, et qui permettait aux intéressés de le répartir à leur gré. Les vingtièmes ne rendaient réellement pas ce qu’ils auraient dû rendre, si la proportion établie par l’édit de 1749 avait été rigoureusement exigée, et si une foule d’abus n’en avaient pas altéré la perception. Les plus riches étant ceux qui avaient le plus réussi à s’y soustraire, il suffisait d’une meilleure répartition pour accroître le produit, sans surcharger et même en dégrevant les contribuables les moins aisés. L’assemblée avait donc mauvaise grâce à refuser ce qu’on lui offrait, d’autant plus que, comme le