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auxiliaires du mouvement qui s’est déclaré en Russie depuis quelques années.

Ce mouvement, à vrai dire, s’est manifesté sous toutes les formes, et il a eu son retentissement dans les universités comme dans la littérature. Peu après d’Alexandre II, on l’a vu, le gouvernement russe abolissait les règlemens de l’empereur Nicolas, qui limitaient à trois cents le nombre des étudians de chaque université. Aussitôt les universités se remplirent, et elles n’ont cessé depuis d’être des foyers d’activité libérale et d’animation. L’université de Saint-Pétersbourg compte maintenant environ deux mille étudians, celle de Moscou deux mille quatre cents, celle de Kiev quinze cents, d’elles de Charkof, de Kasan et de Dorpat en proportion. Il existe de plus une école de droit à Pétersbourg, et à Jaroslaw, à Odessa des lycées lui sont au niveau des universités. Le nombre des étudians s’est élevé tout à coup à un chiffre considérable. Ce n’étaient pas seulement des enfans de la noblesse que le goût renaissant de l’étude et des circonstances plus favorables ramenaient vers les universités ; ce sont surtout peut-être des jeunes gens des classes inférieures qui ont profité des facilités nouvelles, d’autant mieux que, dans les premiers temps, on pouvait aisément se dispenser de payer les droits d’inscription. C’était la plus petite partie qui payait pour suivre les cours. Aux étudians proprement dits, dont le nombre grossissait ainsi d’une façon imprévue, venaient se joindre le auditeurs libres, employés, officiers, qui affluaient autour des chaires. L’enseignement lui-même se modifiait sensiblement sous le règne d’Alexandre II. Absorbé par d’autres soins dans les premières années, le gouvernement du nouveau tsar fixait peu son attention sur les universités. Il en était résulté pendant quelque temps une certaine liberté de fait. Les programmes officiels avaient à peu prés disparu ; les professeurs suivaient leur propre inspiration dans leur enseignement et dans leurs lectures. Or les professeurs, presque tous formés à l’étranger, ont plus ou moins des idées libérales, constitutionnelles. Il est vrai que, même avec ce degré de libéralisme, mitigé d’ailleurs par une circonspection poussée jusqu’à la crainte, ils étaient loin encore de cette jeunesse débordante qui se pressait à leurs cours avec des idées plus avancées, et il s’en est suivi des mésintelligences, des scissions, une absence de confiance, qui ont éclaté le jour où le gouvernement a voulu arrêter un mouvement qu’il n’avait su ni prévoir ni diriger. Ce n’était pas moins un fait nouveau que cette animation renaissante des universités. La société russe tout entière s’y intéressait singulièrement, comme elle s’intéressait à toute manifestation d’une vie indépendante. Au jour des luttes et des troubles, elle n’a eu que des sympathies pour les étudians, et