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legs d’arriéré que l’on impute aux anciens régimes. Nous n’avons pas à défendre la politique financière antérieure à 1848 ; elle a été justifiée dans la Revue par deux de ses organes naturels, M. Vitet et M. Dumon, et tout le monde sait que le découvert de 1848 allait être ramené dans de rassurantes limites par un emprunt dont les versemens furent interrompus par la révolution de février. Quand on a soi-même emprunté deux milliards, il semble que l’on eût dû avoir des ressources suffisantes pour atténuer même les découverts légués par le passé. D’ailleurs on a consolidé plus de 200 millions sur les découverts de 1857 avec les 100 millions du nouveau capital de la Banque de France et les rentes fournies à la caisse de la dotation de l’armée, et si l’on trouve quelque intérêt à comparer la dette flottante d’un régime avec la dette flottante d’un autre, il serait certes équitable de rappeler pour mémoire cette consolidation récente. Enfin nous sommes loin d’admettre que le trésor soit en quelque sorte obligé, comme on a affecté de le dire, par les ressources qui s’imposent à lui, d’entretenir une énorme dette flottante. Ceux qui professent cette opinion apportent dans l’appréciation de ces questions l’optimisme routinier de l’esprit administratif, au lieu de s’inspirer de l’esprit sagace des affaires. D’abord il est connu de tous ceux qui sont mêlés aux mouvemens du marché financier que, bien loin de se contenter des ressources qui lui arrivent naturellement par les comptes-courans des receveurs-généraux, par les fonds des communes, par les caisses d’épargne, le trésor a sollicité d’autres ressources. Qu’est-ce par exemple que le compte-courant du crédit foncier, le compte-courant de certaines compagnies de chemins de fer ? Ensuite il n’est nullement exact qu’une bonne politique financière ne conseille pas au gouvernement de restreindre certaines charges qui s’imposent à lui : sans parler des fonds de dépôt du crédit foncier, dont il pourrait fort bien se passer, pourquoi l’état s’astreindrait-il à maintenir à 1, 000 francs le maximum des livrets de caisses d’épargne et ne réduirait-il pas même de moitié ce maximum ? Dans un temps où l’on semble avoir renoncé à l’amortissement, il ne serait pas indifférent, par la même mesure, de décharger les responsabilités du trésor et de reporter vers les fonds publics un courant de petits capitaux qui jusqu’à un certain point y ferait la fonction de l’amortissement, aujourd’hui tombé en désuétude.

Le véritable intérêt de la discussion était dans l’équilibre financier que l’on se propose de rétablir. Il y avait jusqu’à présent deux budgets, le budget voté, le budget normal, et le budget décrété, le budget irrégulier. Il n’y avait de ressources régulières et prévues que pour le premier ; le second était, pour les ressources, livré à la tentation et à l’imprévu des moyens de trésorerie. Ni les chambres ni le pays ne pouvaient chaque année balancer avec précision et les ressources du revenu public et les dépenses totales de l’année. De là pour le gouvernement et pour le pays une tendance maladive à dépenser plus que le revenu, si bien qu’un budget sur dix se soldant en équilibre pouvait passer pour un phénomène. De là