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se croyaient placés dans une sphère plus élevée de l’art ont applaudi à son talent sans lui faire l’honneur d’en être jaloux, et son genre en apparence restreint, dans un temps où l’on admirait avant tout l’habileté dépensée sur des toiles gigantesques, l’a sauvé des critiques aveugles ou malveillantes. Sa gloire brillerait bien vite aujourd’hui de tout l’éclat qu’elle ne peut manquer d’obtenir tôt ou tard, si ses ouvrages étaient de la nature de ceux qu’on peut retrouver dans des galeries ou des monumens. Ceux-là parlent pour l’artiste après qu’il a disparu : il n’est pas besoin que des voix émues s’élèvent pour le rappeler à la mémoire des générations qui se succèdent. Les gravures, les dessins se perdent dans les cartons des amateurs, et ne voient plus guère la lumière comme au temps où ils ont été produits et où on les trouvait exposés partout. Celui qui écrit ces lignes sait, comme tous ceux qui aiment la peinture, combien sont insuffisans de froids panégyriques ou des descriptions pour donner seulement une idée de beaux ouvrages produits par te crayon ou par le pinceau. Il aurait désiré présenter une analyse de quelques-unes de ces merveilles du génie de Charlet dans lesquelles ce grand artiste a touché si souvent au sublime de l’émotion. Il a été effrayé de son impuissance et de la difficulté d’une tâche si ingrate, et enfin complètement détourné en pensant au nombre infini de belles pièces qu’il lui eût fallu citer. Quant à cette partie du public qui ne demande pas mieux que de s’instruire sur cette gloire encore voilée, c’est lui rendre un service véritable que de la renvoyer à l’ouvrage même de M. de La Combe ; on y trouvera sur la personne de Charlet et sur ses ouvrages des informations qu’on ne peut trouver ailleurs, et qui sont le produit des recherches les plus consciencieuses. On y trouvera surtout les précieuses lettres qui donnent une idée si originale et si caractéristique de son esprit. Rabelais eût écrit ainsi, s’il eût vécu dans notre temps.


EUGENE DELACROIX.