Page:Revue des Deux Mondes - 1862 - tome 37.djvu/228

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

présence des grands bouleversemens du système politique de l’Europe nous avons acquis aussi cette conviction que l’existence et la grandeur de la Prusse dépendent d’une étroite union de l’Allemagne, union impossible sans un fort pouvoir central entre les mains de la Prusse et sans une représentation générale du peuple allemand. » Passant ensuite aux questions intérieures, les progressistes demandent « un gouvernement fort et libéral sachant faire respecter ses principes par les fonctionnaires de tout ordre, » une loi sur la responsabilité ministérielle, l’abolition du régime féodal dans l’organisation des provinces et des cercles, l’observation de la constitution en ce qui concerne l’égalité des confessions religieuses. Deux questions dominent toutes les autres : la question militaire et la réforme de la chambre des seigneurs.

« Jamais, lisons-nous dans le programme progressiste, un sacrifice ne nous paraîtra trop grand lorsqu’il s’agira de l’honneur et de la puissance de notre pays, et que ces biens devront être sauvegardés ou conquis par une guerre ; mais, dans l’intérêt d’une direction énergique de la guerre, la plus grande économie dans les dépenses militaires en temps de paix nous paraît indispensable. Nous sommes convaincus que le maintien de la landwehr le développement des forces physiques des jeunes gens, le recrutement complet du contingent, la durée biennale du service, offrent toutes les garanties pour une parfaite instruction militaire du peuple prussien. » Au premier moment, il peut paraître étrange que les progressistes, après avoir reconnu en principe la nécessité d’une augmentation de l’armée, se séparent des modérés et du ministère à propos d’une question purement technique. En y regardant de près, l’on s’aperçoit que des raisons d’une tout autre nature se cachent derrière cette opposition. Le projet de réorganisation de l’armée avait été présenté dans des circonstances on ne peut plus défavorables pour le ministère prussien. À tort ou à raison, le bruit s’était répandu que de graves dissentimens s’étaient élevés au sujet de la question militaire au sein même du cabinet, que le ministre de la guerre, M. de Bonin, excellent militaire, esprit libéral, avait présenté un plan moins coûteux et plus conforme au vœu du public, que ce plan avait été rejeté pour éloigner M. de Bonin, remplacé ensuite par M. de Roon, général très en faveur auprès du parti féodal. Ces bruits ne pouvaient que nuire au nouveau projet lors même qu’il eût répondu à toutes les exigences pratiques. On disait encore que l’augmentation de l’effectif de l’armée nécessiterait surtout une augmentation d’officiers, que, pour les places d’officiers, l’administration militaire donnerait la préférence aux jeunes gens de la noblesse, qu’on renforcerait ainsi dans l’armée un élément hostile à la bourgeoisie et au régime constitutionnel. — Il fallait