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deux motifs pour agir ainsi. D’abord ils sentaient que le plus important était d’empêcher les candidats féodaux de profiter des dissentimens qui séparaient les diverses nuances libérales ; ensuite ils se méfiaient peut-être de la solidité d’un régime libéral rétabli d’une manière si imprévue, et ils ne voulaient pas, qu’en cas d’un nouveau revirement dans le sens réactionnaire, le pays pût les accuser d’avoir amené ce résultat. En effet, aucun des membres notables de ce parti n’accepta, au début de la session de 1859, un mandat à la chambre, et ce ne fut que vers la fin de la législature que M. Waldeck, conseiller à la cour de cassation, l’homme le plus éminent peut-être de la démocratie prussienne, apparut sur les bancs de l’assemblée. Autour de lui se groupèrent un petit nombre de députés, car les divisions commençaient à se faire jour parmi les libéraux modérés. Quelques-uns voulaient qu’on poussât avec plus d’énergie le ministère à l’exécution de ses promesses. Puis à la question militaire un élément nouveau de division s’était ajouté : la question allemande. C’est en cette année 1859 que, sous le coup des événemens d’Italie et des discussions de la diète germanique, se réveilla dans toute l’Allemagne le mouvement unitaire vaincu, mais non éteint dix ans plus tôt. Ce mouvement prit naissance dans le Hanovre, le pays le plus mécontent de la confédération ; secondé avec empressement par les libéraux avancés en Prusse, il ne tarda pas à se centraliser dans une association qui prit le nom de National-Verein. Le programme de cette association était la transformation de la confédération des états allemands en un état fédératif sous la direction militaire et diplomatique de la Prusse, programme conforme du reste aux opinions mêmes du ministère Hohenzollern-Auerswald. Pourtant la cour de Berlin désapprouva ce mouvement, et le ministère ne jugea pas prudent de se compromettre à propos d’une question qui intéressait surtout l’avenir. L’attitude plus que réservée du ministère réagit naturellement sur ses amis politiques, et en effet la presque totalité des libéraux modérés, quoiqu’à contre-cœur, restèrent étrangers au National-Verein. Dans ces circonstances, la démocratie prussienne se crut parfaitement autorisée, à se présenter aux élections de 1861 en phalange distincte des libéraux modérés, et comme le nom de démocrate, était devenu synonyme de radical, de républicain, de socialiste, on s’appela progressiste, et l’on ajouta à ce nom l’épithète d’allemand, pour mieux établir la connexité de cause entre les progressistes prussiens et les unitaires allemands.

Leur programme électoral s’exprimait d’ailleurs avec beaucoup de netteté sur tous les points principaux. « Nous sommes unis dans la fidélité envers le roi et dans la ferme conviction que la constitution est le lien indissoluble entre le prince et le peuple ; mais en