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de trois à quatre ans, d’incorporer les trois classes les plus jeunes de la landwehr aux régimens de ligne, de restreindre le service des autres classes de la landwehr à un service de garnison en temps de guerre, enfin de supprimer la landwehr à cheval. Les frais de ce plan furent évalués par le gouvernement à la somme de 9 millions 1/2 de thalers (36 millions de francs) par an, sans compter les dépenses imprévues que pouvait nécessiter l’exécution complète du projet. Pour couvrir ce surcroît de dépense, le ministre des finances proposait, à défaut de recettes régulières pouvant être affectées à ce but, le maintien des 25 pour 100 additionnels à l’impôt sur le revenu[1].

Une discussion fort animée s’engagea, sur cette question, entre le ministère et le parti libéral de la chambre. Il était impossible aux libéraux, à moins de se mettre en contradiction ouverte avec l’opinion publique, de voter sans restriction une loi qui imposait d’aussi lourdes charges au pays. On se mit donc à négocier. « Nous sommes en principe d’accord avec vous, disaient les libéraux prussiens au ministère. Une augmentation de l’armée est urgente ; mais est-il besoin pour cela de donner le coup de grâce à la landwehr, cette institution à laquelle le peuple est profondément attaché, parce que la Prusse lui doit sa résurrection politique ? De plus, si, pour réaliser cette réforme, l’on est réduit à maintenir en temps de paix les décimes additionnels, que fera-t-on en temps de guerre ? Le gouvernement se prévaut de la situation exceptionnelle de l’Europe ; est-il sage de parer à cette situation exceptionnelle par une organisation permanente et onéreuse pour le pays ? » Telles furent les objections, et voici les argumens qu’on leur opposa. « Une armée n’est pas trop coûteuse lorsqu’elle répond sérieusement à son but, c’est-à-dire à la défense du pays, et elle est trop chèrement payée lorsqu’elle est incapable de remplir cette tâche. La landwehr a été bonne en 1814, alors qu’elle avait à défendre le territoire et le foyer ; elle était même bonne en 1820 et en 1830 : à cette époque, elle comptait encore dans ses rangs les guerriers de 1813 et de 1815, Cette génération n’existe plus, et la landwehr actuelle ne se compose que de soldats inexpérimentés ; le moins que l’on puisse faire, c’est de suppléer à cette faiblesse par un plus long service. D’ailleurs

  1. L’armée prussienne est composée ainsi : troupes de campagne, 193,135 hommes au pied de paix et 370,073 hommes au pied de guerre ; — troupes de dépôt, 104,414 hommes ; — troupes de garnison (landwehr), 7,317 hommes au pied de paix et 135,182 hommes au pied de guerre. Le total de ces forces s’élève à 212,649 hommes au pied de paix et à 622,886 hommes au pied de guerre. La levée annuelle des recrues est de 60,000 hommes. La population totale de la Prusse était, en 1861, d’environ 18 millions. Les recettes de l’état étaient évaluées, pour 1861, à une somme de 136 millions de thalers (510 millions de francs), dont plus de 40 millions de thalers ont été affectés à l’entretien de l’armée.