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fondues par son successeur en 1847 dans une diète générale. C’est dans cette assemblée qu’éclata au grand jour l’éternel antagonisme entre l’état du moyen âge et l’état moderne. Le premier s’écroula sous le coup des événemens de 1848 : la féodalité s’évanouit un instant pour laisser en présence le libéralisme et l’opinion radicale, qui firent si bien qu’au bout de six mois leur adversaire commun, presque sans effort violent, avait reconquis une grande partie du terrain perdu. Cependant il fallut faire quelques concessions, la restauration pure et simple étant devenue chose impossible. La constitution de 1850 devint le compromis entre le pouvoir absolu du roi et les tendances libérales de la nation. Cette charte faisait une part assez juste et à la liberté et aux principes monarchiques, roi et peuple auraient pu s’en accommoder pendant de longues années sans y apporter de grands changemens ; mais à peine la charte eut-elle reçu la consécration du serment royal, que le parti de la noblesse annonça ouvertement l’intention de faire une guerre à outrance à cette loi fondamentale. Il tint parole. On vit alors comment les meilleures institutions peuvent tourner au désavantage d’un peuple qui n’a pas eu le temps de se les assimiler. Les lois organiques promises par la charte restèrent dans les cartons des ministères, celles qui avaient été promulguées ne furent point mises en vigueur : liberté de la presse, droit de réunion, responsabilité ministérielle, self-government des communes et des provinces, séparation entre les pouvoirs judiciaire et administratif, liberté religieuse, suppression des privilèges nobiliaires, le sens de toutes ces réformes fut altéré entre les mains d’un ministère dirigé par des influences occultes, mais dont tout le monde devinait l’origine. La seule chose qu’il fallait forcément laisser debout, c’était la tribune parlementaire : elle s’ouvrit chaque année, et pendant quatre ou cinq mois une centaine d’hommes indépendant, dont les noms avaient pu, en dépit des restrictions apportées aux opérations électorales, sortir de l’urne, vinrent se mesurer avec un nombre double de fonctionnaires ministériels ou de féodaux composant la majorité de la chambre. Quelle eût été l’issue définitive de cette guerre entre un gouvernement qui disposait de tous les instrumens du pouvoir exécutif et une opposition parlementaire faiblement soutenue par l’opinion publique ? Telle était la question qui se posait de plus en plus menaçante en Prusse, quand la maladie de Frédéric-Guillaume IV amena un changement de règne. Les hommes qui avaient inspiré la politique de Frédéric-Guillaume firent à ce moment les efforts les plus énergiques pour retenir entre leurs mains l’initiative que depuis longtemps déjà le roi leur avait abandonnée. Ce serait un curieux chapitre de l’histoire de la Prusse que celui où l’on raconterait fidèlement ce qui se passa dans les hautes régions du gouvernement