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se croit dépositaire. Il faut bien en effet se rendre compte du privilège qui en résulte pour elle. Saint Augustin, au rapport de Bossuet, disait que sans l’autorité de l’église il ne croirait pas à l’Évangile, et Bossuet lui-même discutant avec Claude, que dit-il ? « Nous convenons que Dieu se sert de l’église et de l’Écriture. Notre question est de savoir par où il commence : si c’est par l’Écriture ou par l’église ; si c’est, dis-je, par l’Écriture qu’il nous fait croire à l’église, ou si c’est plutôt par l’église qu’il nous fait croire à l’Écriture. Je dis que c’est par l’église que le saint-esprit commence. », Ainsi l’interprétation de l’église a plus d’autorité que l’Écriture sans l’église, et la raison en est évidente, l’autorité de l’Écriture toute seule n’est que l’autorité de celui qui la lit.

Il est donc assez naturel que l’église, en masse si l’on est démocrate, dans ses chefs si l’on est gouvernemental, ait plus d’autorité interprétative que la raison de l’individu ; mais de cette attribution justifiée par des considérations pratiques comme celle des tribunaux et des magistratures à l’infaillibilité fondée sur l’inspiration, il y a loin. De cette prérogative surhumaine, l’église ne donne aucune preuve ; elle n’en peut naturellement donner aucune autre que sa propre assertion. Il faut la croire sur sa parole, c’est-à-dire croire déjà à son infaillibilité, pour croire à son infaillibilité. Jamais pétition de principe n’a été plus flagrante. L’inspiration divine de l’église est un de ces miracles d’un genre particulier qui s’affirment, mais qui ne se voient pas, qui n’ont jamais été vus, qui ne peuvent pas l’être. Quand l’église veut bien citer l’Écriture pour établir son droit, c’est l’Écriture comme elle l’interprète. Son interprétation de l’Écriture est donc donnée pour preuve de son droit de l’interpréter ; on n’y croit donc que parce qu’on veut y croire. Et en parlant ainsi je ne pense pas affaiblir le motif de la foi. C’est une foi très sérieuse, très efficace, très répandue, que la foi volontaire, et, à ne considérer que les faits, c’est un des principes les plus actifs et les plus puissans non-seulement de l’esprit humain, mais de toute la nature humaine.

Maintenant quelle est la valeur de cette foi pour la science ? et quand on raisonne, qu’en faut-il conclure ? C’est tout autre chose. Il est clair que ce qui décide la question par la question ne peut beaucoup peser pour la philosophie. D’ailleurs cette étude n’a été entreprise que pour traiter de la matière de l’inspiration avec des protestans. Ceux-ci apparemment ne croient pas à l’inspiration de l’église de Rome, ils ne croient qu’à celle de l’Écriture. Nous avons vu combien ce mode de révélation de la vérité laisse subsister de problèmes. Voyons comment peut les dénouer la raison chrétienne délivrée du joug d’une autorité immobile qui donne ses volontés pour des vérités.

Du moment que les protestans récusaient l’autorité de l’église ou