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de hiérarchie dans les œuvres de Dieu. Toutes lui sont bonnes, pourvu que toutes l’aident également à servir la cause de Dieu et qu’elle le reconnaisse en elles. Elle ne fait entre les choses aucune différence de rang, de grandeur, de forme, et au moment même où elle vient de pousser un cri d’admiration devant les lignes majestueuses ou sauvages d’un paysage des montagnes, elle se porte avec une gaieté naïve sur un atome lumineux dansant au soleil, ou s’absorbe tout entière dans la contemplation d’une fleur perdue dans les broussailles. L’atome et la fleur ont eu aussi complètement que le paysage le privilège de s’emparer de son âme tout entière, et si vous la consultiez, elle vous répondrait que ce n’est que justice, puisque l’atome et la fleur ont eu sur elle la même puissance que le paysage, celle de remuer en elle les sources vives de la sympathie. Son admiration n’est pas proportionnée à la grandeur des objets. Dès qu’une chose manifeste le rayon moral, elle n’est plus pour elle ni grande, ni petite : elle est divine. Elle est divine, et tout le reste est affaire de hasard et d’illusion d’optique. D’ailleurs l’amour a de merveilleuses ressources de compensation. Cette chose est grande, tant mieux, l’âme est forcée de dilater son respect et son adoration ; elle est petite et fragile, tant mieux encore, elle n’en est que plus précieuse et plus digne de tendresse. N’ai-je pas eu raison de parler de démocratie divine ? Vous connaissez la vieille prière biblique, cette prière à la fois touchante et solennelle qui s’échappa des lèvres des jeunes Hébreux jetés dans la fournaise ardente, et où tous les êtres de la création, les plus humbles comme les plus grands, sont invités à s’associer dans la louange de Dieu : « Le cèdre au sommet des monts te bénit, et le brin d’herbe dans la vallée te bénit, Seigneur ; le lion dans son désert te bénit, et le ver de terre te bénit… » Le livre de Mme de Gasparin vous donnera de cette prière une paraphrase vive, éloquente, avec des applications toutes modernes et pleines d’actualité. Elle aussi a entendu le cèdre sur la montagne et l’hysope au flanc du mur chanter également les louanges de Dieu, et elle a noté également leurs prières. Elle a vu briller la lumière divine sous le ciel embrasé de l’Égypte, et elle en décrit les splendeurs avec enthousiasme ; mais elle l’a vue aussi s’allumer comme une lampe familière dans les demeures de ses humbles villages de Suisse et du Jura, et elle le raconte avec attendrissement. Si dans les bénédictions que toutes les créatures animées envoient vers Dieu elle fait une exception, c’est en faveur de celles des humbles et des petits. Elle va vers les êtres ignorés, honnis, méprisés, et les sollicite au nom du Christ : « Cœur comprimé, donne tes larmes ; fleur bizarre, exhale tes parfums ! »

C’est donc aux petits qu’elle s’adresse pour lui fournir les preuves que l’homme est une créature divine. Les preuves ordinaires que