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et notamment en 1856, ils ont érigé l’archipel de Kouria-Mouriah en colonie britannique. L’exploitation du maigre guano de ces îles a été le prétexte de leur occupation, mais le but caché était d’asseoir une position navale entre Aden et Mascate. Là ne s’est pas arrêté l’empiétement des Anglais : en 1857, en vue du percement probable de l’isthme de Suez, ils prennent de nouveau possession de Périm, et achètent à la Porte quelques autres îlots de la Mer-Rouge. En février 1859, ils s’installent à Camaran, devant le port d’Hodeïda. Enfin en octobre 1861 nous les voyons chercher à s’emparer de l’archipel de Dahlac, qui commande le port d’Arkiko, l’ancienne Adoulis. Ils y pourront en effet mieux surveiller la France, qui a acquis ce port de l’Abyssinie, comme l’entrepôt futur des charbons et des marchandises de la compagnie des services maritimes, à laquelle vient d’être accordée la concession des paquebots à vapeur français de la mer des Indes. Les Anglais ont pensé avec raison que nos steamers allaient faire à ceux de leur compagnie une sérieuse concurrence.

Le commerce d’Aden, celui du port arabe comme celui de Steamer-Point, est concentré presque tout entier entre les mains des Anglais. Après eux viennent les Américains, ces grands et hardis marchands que l’on retrouve sur toutes les places. En dernier lieu apparaissent les Français et divers représentans des puissances maritimes européennes de second ordre, comme les Hambourgeois, les Hollandais, les Suédois, dont les navires viennent par moment jeter l’ancre devant Steamer-Point. Quelques négocians français n’ont pas été heureux à Aden. Une maison de Marseille, qui fait de grandes affaires avec le pacha d’Égypte, avait eu l’idée d’entreprendre le cabotage avec les différens ports de la Mer-Rouge : c’était surtout en vue de l’achat des cafés de l’Arabie, notamment le café moka, trop souvent mélangé par fraude avec le café venu de l’Inde. Cette maison, d’ailleurs très riche, n’a pu continuer ce commerce, et le petit vapeur qu’elle avait frété à cet effet a dû être proposé au président Geffrard de la république haïtienne. Un autre négociant français, du nom de Lambert, qui faisait le commerce entre Aden et les ports voisins de l’Afrique, notamment celui de Berberah, a été assassiné, il y a près de deux ans, par les matelots de son navire, en vue des côtes de Soumal. Une corvette française, qui se trouvait au mouillage dans la baie de Steamer-Point en mars 1861, se préparait à tirer vengeance de cet attentat, ou du moins à en rechercher les raisons.

Le mouvement du port d’Aden en 1857-58, date la plus récente dont j’aie pu connaître les chiffres, est représenté, à l’entrée et à la sortie, par 318 navires jaugeant 170,000 tonneaux. Les neuf dixièmes de ces navires appartenaient à la Grande-Bretagne. Quant