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colonie, il faut citer les Arabes de la côte orientale d’Afrique et de l’Arabie, qui font le commerce à Port-Louis. Leurs navires y apportent surtout du café, des grains, des ânes de Mascate et des chevaux d’Abyssinie. Des mahométans de l’Inde sont aussi fixés à Maurice, venant principalement de Bombay et de Calcutta. Quelques-uns sont à la tête de très riches maisons. Pour n’oublier personne, nommons enfin les Parsis, ces Guèbres de la Perse, si longtemps persécutés dans leur pays. Fidèles depuis Zoroastre au culte du feu, qu’ils adorent comme l’esprit éternel qui commande à la matière, ils se montrent dans les transactions d’une loyauté à toute épreuve. Nous pouvons hautement proclamer, après divers voyages dans presque toutes les parties du globe, que nous n’avons nulle part rencontré de plus honnêtes commerçans. Ils n’ont qu’un prix pour chaque chose. Doux avec les leurs, polis et dévoués pour leurs cliens, ils se montrent empressés pour tout le monde, et cela sans bassesse, sans flatterie. D’une instruction au-dessus de la moyenne, ils parlent, outre leur langue, l’anglais, le persan et souvent le français très correctement. À Bombay, à Calcutta, où ils sont établis en grand nombre et où ils possèdent même plusieurs journaux, presque tout le commerce et la banque sont concentrés dans leurs mains. À Aden, il y a aussi plusieurs maisons de Parsis. L’une d’elles fait toutes les affaires de la compagnie péninsulaire orientale, qui a le service des vapeurs de l’Inde, de la Chine, de l’Australie, ainsi que de Maurice et de Bourbon. Les grandes maisons parsis ont toutes des correspondans en Europe, surtout à Londres, où l’on rencontre souvent ces voyageurs au type caucasien, au costume asiatique, au chapeau de toile cirée d’une forme étrange qui rappelle le bonnet persan.


IV. — LE COMMERCE ET LA POLITIQUE COLONIALE ANGLAISE.

Dans un pays peuplé de races aussi entraînées vers le commerce que celles qui viennent d’être citées, dans une colonie où les Anglais, ces grands marchands de l’univers, se sont établis par droit de conquête, les affaires, comme on le pense, sont loin de chômer. Aussi très peu de places sauraient-elles être comparées à Port-Louis pour le mouvement, l’activité, surtout pour la quantité innombrable de marchandises qui s’y débarquent et s’y consomment. Sur ce dernier point, les habitans du pays eux-mêmes restent émerveillés et se demandent comment l’île Maurice peut autant consommer. La réponse est, selon nous, facile : c’est que tout le monde y dépense en grande partie ce qu’il gagne, et que l’Europe n’envoie pas toujours aux colonies ses