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ans plus tard, la réorganisation de l’Institut rendit à quelques-uns des académiciens dépossédés leur ancien titre et leur place à la tête de l’école française, ni eux ni leurs successeurs ne devaient hériter du passé rien de plus que ces distinctions honorifiques.

Ne saurait-on souhaiter aujourd’hui que l’héritage fût plus largement réparti ? Est-il possible de ressusciter quelque chose de ce passé dans le sens des attributions et des devoirs qui mettaient l’ancienne Académie en contact avec la masse des artistes ? M. Vitet n’hésite pas à le penser et à le dire. L’avis, sans parler de la haute compétence de celui qui le donne, l’avis est bon en soi et mériterait d’être pris en sérieuse considération. L’éminente compagnie qui a remplacé en France l’Académie royale de peinture compte maintenant soixante ans d’existence. Que l’on compare l’influence qu’il lui a été donné d’exercer sur les mouvemens de l’art français durant cette période avec le rôle et l’action de l’ancienne Académie pendant un nombre d’années équivalent. La faute n’en est certes ni aux choix qui ont été faits depuis le commencement du siècle, ni à l’indifférence personnelle des maîtres pour ce qui s’est passé autour d’eux. Cette influence incomplète tient aux conditions mêmes de l’organisation actuelle, aux principes qui, en la recommandant à nos respects, l’isolent en même temps un peu trop de nous et de la sphère où nous sommes. La quatrième classe de l’Institut est un aréopage illustre, mais un aréopage le plus souvent sans justiciables, une sorte de Panthéon anticipé où quelques vivans d’élite siègent dans une confraternité officielle. Elle n’est pas, comme l’ancienne Académie, un corps où certains degrés hiérarchiques marquent l’importance relative des talens, en stimulent les efforts, en récompensent les progrès ; elle ne peut, ses cadres une fois remplis, non-seulement accueillir un maître, si habile ou si renommé qu’il soit, mais grouper autour d’elle, s’attacher par les liens de l’adoption, agréer en un mot, comme sa devancière, les artistes auxquels appartient l’avenir. Sauf le privilège de décerner chaque année le prix de Rome à de jeunes talens qu’elle n’a pas formés et qui, à l’époque des concours, apparaissent sous ses yeux pour la première fois, hormis le droit, d’ailleurs si souvent et si injustement contesté, supprimé même à certains momens, de choisir les ouvrages dignes de figurer au Salon, quelles attributions a-t-on conférées à l’Académie qui lui permettent d’intervenir activement dans les affaires de l’art contemporain, dans les questions qui le divisent, dans les encouragemens qu’il reçoit, dans tout ce qui en est, à proprement parler, l’élément familier et la vie ? Dira-t-on que, depuis quelques années, l’Académie des Beaux-Arts, reprenant à la fin de chaque salon les fonctions dont elle avait été investie au commencement,