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de cette longue lutte, histoire aussi curieuse ici, aussi clairement résumée qu’elle apparaît dans les pièces du temps compliquée d’incidens, de redondances judiciaires et de fastidieux détails.

Tout commence à s’apaiser cependant, ou plutôt la résistance se déplace, lorsque la fondation de l’Académie royale est venue donner gain de cause aux assaillans. Affranchis par un arrêt du conseil en date du 20 janvier 1648, protégés contre un retour offensif de la maîtrise aux termes mêmes de cet arrêt, qui faisait défense à celle-ci « de donner aucun trouble, ni empeschement aux peintres et sculpteurs de l’Académie… à peine de 2,000 livres d’amende, » les opprimés de la veille étaient aujourd’hui bien et dûment vainqueurs. Restaient pour les maîtres, à défaut d’une attaque judiciaire en règle, les escarmouches de la chicane. Ils en essayèrent, et mal leur en prit. Assez durement traités par le chancelier Séguier, qui s’était déclaré le protecteur de la nouvelle compagnie, ils quittèrent la partie sur ce terrain, et se tournèrent vers des moyens de défense qui pouvaient, sans contrevenir aux ordres du roi, compromettre auprès du public, ruiner peut-être le crédit naissant de l’Académie. Pour combattre celle-ci, la maîtrise prétendit enrégimenter les siens dans des rangs et sous un titre conformes à ce qui venait d’être organisé contre elle-même. Elle se constitua en académie à son tour, en Académie de Saint-Luc, et sauf les talens, qu’elle ne pouvait emprunter comme le reste, elle eut bien vite fait de s’assimiler à peu près tout du programme et des mesures adoptées dans l’établissement rival. Que dis-je ? elle enchérit sur ces pratiques, pensant par là augmenter d’autant son influence. À peine nommés, les douze fondateurs de l’Académie royale, les anciens, comme on disait alors, avaient ouvert dans un hôtel de la rue des Deux-Boules un cours de dessin d’après le modèle vivant, où, moyennant une rétribution de 5 sous, puis de 10 sous par semaine, les élèves travaillaient sous la direction d’un professeur. L’Académie de Saint-Luc, qui tout d’abord s’était donné vingt-quatre anciens, doubla aussi, dans sa maison de la rue de la Tixeranderie, le nombre des classes et des modèles, et fournit gratuitement le tout aux étudians, sans compter une épée à poignée d’argent ciselé, exposée sous leurs yeux et promise, à titre de récompense, au plus zélé d’entre eux.

Rien n’y fit toutefois. L’Académie royale, si dénuée qu’elle fût à cette époque de ressources pécuniaires, avait, pour se maintenir et pour attirer à elle les jeunes gens, la dignité personnelle, l’autorité des enseignemens et des exemples. Elle avait en outre, dans Lebrun et dans quelques autres, des tacticiens plus habiles, des avocats moins faciles à déconcerter et d’ailleurs mieux placés pour se faire écouter du pouvoir que ne l’étaient les académiciens de contrebande,