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Valaques peuvent, dans la diète de Pesth, représenter leurs concitoyens, comme on l’a vu dans la chambre récemment dissoute, où siégeaient vingt-trois Valaques et huit Serbes, seuls les Magyars sont en position de jouer un rôle.

La situation cependant a singulièrement changé depuis que la constitution de la propriété n’est plus la même. Les colons sont devenus propriétaires, les Valaques font partie du contingent militaire ; ce qu’on appelait le servum pecus contribuens ne tardera pas à élever ses sentimens et ses prétentions au niveau de sa nouvelle fortune. Il faudra compter alors non-seulement avec les fils des colons allemands, mais avec toutes ces races inférieures qui réclament aussi leur autonomie et voudraient avoir une existence séparée. En concédant aux réclamations de la diète hongroise l’annexion de la voyvodie serbe et du banat de Temesvar, le gouvernement impérial avait autorisé la réunion d’un congrès national serbe à Carlowitz. Or ce congrès a émis sous forme d’adresse le vœu que la Voyvodie formât un territoire propre et un district distinct dans le royaume de Hongrie, qu’il pût élire librement son chef sous le nom de voyvode et s’administrer seul, que la nationalité, la langue et la religion fussent garanties. Ce n’est pas tout : comme il existe dans la Voyvodie, sur les confins de la Croatie, un petit pays appelé la Syrmie, le congrès de Carlowitz a demandé que la Syrmie ne fût pas réunie à la Hongrie, mais bien à la Croatie, aux mêmes conditions. C’est une question serbe à ajouter à toutes les autres.

On retrouve les mêmes sentimens dans les contrées voisines et les anciennes annexes de la Hongrie. La diète de Croatie proteste contre toute union et veut être indépendante. La Dalmatie envoie des députés au Reichsrath de Vienne, crime irrémissible aux yeux du patriotisme hongrois. Enfin la Transylvanie, dont la diète va s’ouvrir après tant d’hésitations et de retards, exprimera peut-être des vœux conformes à l’immense majorité de sa population, qui compte 1,300,000 Roumains contre 570,000 Magyars. Seule, la petite ville de Fiume, port sur l’Adriatique, a revendiqué son union avec la Hongrie, dont elle deviendrait le port militaire et le débouché commercial.

Il résulte donc des sentimens avoués ou secrets de toutes ces populations que les Magyars éprouveraient de leur part autant de difficultés pour les soumettre à leur prépondérance qu’ils en élèvent eux-mêmes contre les prétentions de l’Autriche. En vain ils invoquent d’anciens traités, des précédens historiques ; aujourd’hui qu’ils n’ont pas même pour eux le droit de la force, qu’il faudrait au contraire, comme le porte la dernière communication de l’empereur au conseil de Vienne, employer la force pour leur rendre cette suprématie perdue, ce ne sont plus les droits du XIIIe et du