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même jour à Bude, conformément au rescrit impérial. Jusqu’à la dernière heure, on douta que l’assemblée commençât ses travaux, et il fallut, pour en arriver là, de longues négociations suivies de concessions mutuelles. Se réunir en un parlement où ne siégeraient ni les députés de la Croatie et de l’Esclavonie, ni les représentans de la Transylvanie annexée en 1848, n’était-ce point reconnaître l’abrogation même de ces lois de 1848, dont la nation magyare revendique la conquête libérale comme désormais imprescriptible ? Le gouvernement impérial, dont la résolution primitive avait été de tenir même séparés de la Hongrie la voyvodie serbe et le banat de Temesvar, céda plus tard sur ce point. Ces deux anciennes et premières annexes de la couronne de saint Etienne furent rendues à la Hongrie, à la condition toutefois qu’une congrégation réunie à Carlowitz, sous la présidence du patriarche, serait appelée à manifester les vœux de la nation serbe. Cette première concession et la déclaration que la diète croate aurait à stipuler elle-même pour les destinées du pays furent acceptées comme un motif suffisant de transaction, et la réunion de la diète fut décidée. Mais où se réunirait-elle ? Le rescrit impérial désignait Bude, ville officielle, siège du gouvernement, séparée seulement de Pesth par le Danube, sur lequel a été jeté un magnifique pont suspendu. Inutile de dire que le patriotisme hongrois réclamait Pesth comme siège du parlement. Une transaction intervint encore pour calmer le débat. Le 6 mai 1861, les deux chambres furent convoquées à Bude ; le judex curiœ (chef de la justice) lut devant un petit nombre de magnats et de députés un discours d’ouverture pour expliquer l’esprit du système du 20 octobre, et en même temps il annonça que le gouvernement, se conformant aux désirs du pays, autorisait la réunion des chambres à Pesth. Celles-ci s’assemblèrent en effet le même jour sur l’autre rive du Danube.

Une fois la session ouverte, surgit une grave question dont les débats révélèrent l’existence des deux partis qui forment l’opposition hongroise. Au fond, l’unanimité était complète en ce qui touche la revendication des lois de 1848 ; chez tous existait le ferme projet de prendre une revanche légale de la victoire que l’Autriche n’avait remportée qu’avec l’aide de l’étranger. Dans la forme à donner à cette pensée, on se divisa. La partie modérée de la chambre des députés voulut présenter au souverain ses vœux sous la forme d’une adresse ; la fraction la plus violente demanda que les droits de la nation fussent affirmés dans une résolution. M. Deak était le chef des premiers opposans, le comte Téléki des seconds. Un suicide dont la cause n’a point été révélée priva la gauche de la chambre hongroise d’une direction dont le patriotisme éprouvé lui a peut-être fait grand défaut. Le parti modéré l’emporta après un débat où quarante orateurs furent entendus, et M. Deak put renouveler dans