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en peu de mots, l’histoire du mouvement hongrois dont il s’agit de retracer les incidens. Au début, ce mouvement se trouve personnifié dans quelques hommes qui, comme le baron Eotwos, auteur d’un important ouvrage sur les rapports des couronnes hongroise et autrichienne, exposèrent dans le conseil renforcé les réclamations de leurs concitoyens en termes dignes et mesurés. Le comte Szeczeen, M. de Maylath, le comte Apponyi surtout, invoquèrent les clauses du traité bilatéral conclu entre la diète hongroise et l’empereur Ferdinand Ier, ils rappelèrent les sermens renouvelés au couronnement de chaque nouveau souverain, ils relatèrent les stipulations de la pragmatique sanction pour établir le droit imprescriptible de la diète hongroise à exercer seule, sous la sanction royale, le pouvoir législatif en ce qui concernait les intérêts de la Hongrie ; mais ils se gardèrent de comprendre dans les actes légaux, sacrés pour le souverain comme pour les sujets, les lois de 1848 et les décisions d’une diète qui avait déclaré déchue la dynastie de Habsbourg-Lorraine. Au moment où l’empereur demandait à de fidèles conseillers les moyens de réparer les maux d’un pays dont douze années d’absolutisme n’avaient point lassé la patience et découragé le libéralisme, ces mêmes conseillers ne lui adressaient point encore pour réponse le déni injurieux de ses droits souverains.

Si donc les vœux formulés par ce que l’on peut appeler les hommes de 1860 ont été exaucés, l’on se demande ce qui peut justifier les protestations de 1861. La Hongrie maudissait surtout le régime bureaucratique et arbitraire de 1852 ; or ce système a été radicalement aboli : à l’exception des agens du fisc, tous les employés autrichiens disparurent en un seul jour de la surface du pays. La Hongrie répudiait la législation autrichienne : sous ce rapport, la condescendance fut poussée si loin que non-seulement deux jurisprudences souvent contraires ont été appliquées à la fois, mais qu’un certain nombre de comitats purent, dans un amour regrettable des traditions, abolir les lois les plus conformes à l’esprit moderne et restaurer les plus fâcheux usages. À Pesth, on a rétabli les métiers et les jurandes du moyen âge. Un comité de jurisconsultes n’a pas craint de porter le désarroi dans les relations commerciales en supprimant la loi sur les lettres de change, d’origine autrichienne, il est vrai, et en rouvrant la porte à une usure effrénée, traditionnelle en Hongrie. Le comitat d’Unghvar a revendiqué pour les Magyars le privilège nobiliaire de ne plus payer de péage ; le comitat de Stuhlweissenbourg a rappelé que la loi hongroise ne reconnaît pas de mariage civil ; tous les comitats, sans distinction, ont exclu les Juifs des assemblées électorales. Aujourd’hui encore on refuse à Pesth de leur délivrer le diplôme d’avocat. Nous ne mentionnerons pas, dans la restauration des anciennes lois, le rétablissement de la bastonnade