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son exploration ichthyologique des côtes de France et d’Italie, avec des détails qui en rendent l’intelligence facile[1] ; ils consistent en escaliers et en échelles hydrauliques par lesquelles le poisson remonte les chutes d’eau, et l’application de ces moyens artificiels au bassin de la Seine y substituerait l’abondance à la pénurie. C’est Là un service social qui ne peut être rendu que par les ingénieurs des ponts et chaussées. Ils ont privé, par les barrages qu’ils ont échelonnés de Poses à Paris sur la rivière, le poisson de la liberté de circulation : sans cette liberté, les bonnes espèces cessent de multiplier, et eux seuls peuvent réparer le tort dont ils sont les auteurs ; mais l’indifférence de l’administration des travaux publics est quelquefois telle qu’elle a oublié que le décret du 23 décembre 1810 lui confère, en raison des travaux qu’elle a elle-même exécutés, la police de la pêche sur la Seine, et, en présence des besoins toujours croissans de Paris, elle la laisse dans les loyales et impuissantes mains de la régie des forêts.

Des eaux qui reçoivent les déjections de villes telles que Paris et Rouen offrent toujours au poisson une riche alimentation, et la pauvreté de celles de la Seine n’accuse que notre incurie. Des mesures fondées sur une connaissance exacte des faits naturels rétabliront un jour dans la rivière des espèces qu’elle livrait autrefois avec prodigalité : tels sont l’éperlan et l’esturgeon, qui sont à Hambourg une des bases essentielles de l’alimentation populaire. Des espèces nouvelles appropriées à l’état des eaux de la Seine peuvent aussi y être introduites, et si les succès obtenus dans cette voie, à la suite des savantes leçons de M. Pouchet sont encore peu nombreux, ils sont assez positifs pour entraîner les retardataires par l’autorité de l’exemple. Les alimens qu’il importe de multiplier à la portée des districts manufacturiers sont ceux qui réunissent l’abondance à la salubrité, et la Seine maritime offre à cet égard un champ d’une valeur inappréciable à exploiter. Pour le faire avec succès, de patientes observations, de profondes études d’histoire naturelle sont indispensables ; mais une pareille nécessité n’a rien d’effrayant dans une ville aussi riche en ressources scientifiques que Rouen.

II. — Caudebec. — Jumiéges.

Après ce coup d’œil jeté sur l’ensemble du bassin de la Seine maritime, remontons-en le cours à la suite du flot ; nous sommes en marée de quartier, et nous n’avons pour le moment rien à espérer

  1. Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie, in-4o, 18’ I. — Ce livre, rempli de faits instructifs, n’est point dans le commerce, et il serait fort à désirer qu’il y fût mis sous un format un peu plus maniable.