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dans les affaires des autres peuples. » La politique libérale a réuni en cette circonstance dans la chambre belge 62 voix contre 46.

L’Autriche, plus rassurée sur les dispositions de la Hongrie, qui ne donnent lieu de craindre prochainement aucun trouble violent, s’inquiète très sérieusement de la situation insurrectionnelle des provinces turques voisines de ses frontières. On assure que, tenant peu de compte des objections des autres puissances, elle voudrait intervenir dans l’Herzégovine. Quoique ce bruit ait cours dans le monde diplomatique, il ne nous est pas possible d’y croire. Les conditions de l’intervention des puissances européennes dans les affaires de la Turquie ont été réglées par le traité de Paris. Il ne peut plus y avoir d’action isolée dans l’empire ottoman ; aucune puissance ne peut agir dans les provinces turques qu’avec la sanction du concert européen. Si la France a dû s’entendre avec l’Europe pour aller au secours de ses coreligionnaires en Syrie, il ne nous paraît pas vraisemblable que l’Autriche envoie ses soldats dans l’Herzégovine avant d’y avoir été autorisée par les autres puissances.

E. Forcade.


LES EUROPEENS AU JAPON
DEPUIS LES DERNIERS TRAITES.


La civilisation est imposée par la force aux peuples non civilisés. C’est une loi qui ne souffre que très peu d’exceptions ; les peuples de l’Occident s’y sont soumis dans le passé, et les nations de l’Orient sont obligées de la reconnaître de nos jours. En jetant les yeux sur l’immense continent dont l’Europe forme l’appendice occidental, nous voyons partout des contrées menacées, envahies ou conquises par les puissances européennes. Les Indiens, les Birmans, les Cochinchinois, les Malais, les Chinois, ont eu souvent déjà l’occasion d’apprécier l’art moderne de la guerre pratiqué par les peuples civilisés, et tous, en sortant de l’état sauvage ou de semi-civilisation dans lequel ils ont vécu pendant une longue série de siècles, trouveront peut-être que l’enseignement de la civilisation a été écrit dans leurs annales avec des lettres de, sang et de feu. Les philanthropes et les apôtres de la civilisation doivent en prendre leur parti, et puisqu’il en est ainsi, il n’y a plus à s’étonner ni à s’indigner de ce qui se passe au Japon. De plus, il n’est pas difficile de prévoir ce que l’avenir réserve à l’extrême Orient. Lorsque les Occidentaux vinrent, il y a quelques années, demander qu’on leur ouvrît les ports de l’empire du soleil levant, les Japonais s’y refusèrent. « Non vraiment, dirent-ils, nous n’avons pas besoin de vous, et nous ne désirons point votre présence. Nous nous trouvons bien comme nous sommes, et nous nous souvenons parfaitement que votre première arrivée ici a été pour nous la cause de grands et sanglans malheurs. » Cette expression sincère d’une opinion bien fondée et d’un désir fort sage ne put cependant tenir contre la logique de nos diplomates. On prouvait aux Japonais