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moins qu’état et contribuables ne fissent, comme on dit, une cote mal taillée, et que, l’état consentant à se réduire quelque peu, les contribuables, se laissant imposer de nouvelles taxes, voulussent bien payer davantage.

Il ressort de ce simple aperçu que la question pratique posée par la réforme financière est celle-ci : faut-il réduire les dépenses ou créer de nouveaux impôts ? De là, une série de conséquences dont nous ne pouvons aujourd’hui présenter que le sommaire. Et d’abord quelle est en principe la voie générale qu’il faut adopter ? N’est-ce pas celle des économies ? Dans une année comme celle-ci, année de malaise industriel et commercial, serait-on bien venu à demander au pays de nouveaux sacrifices pour couvrir des dépenses dont il est impossible de démontrer l’utilité ? Si même il est indispensable de chercher dans quelque taxe nouvelle un supplément de ressources, ne faudra-t-il pas, pour faire agréer du public cette charge nécessaire, le rassurer du moins en lui montrant des effets réels, nets, radicaux, de la réformation financière dont on lui a donné l’espoir ? Sur quoi peut-on réaliser de larges économies ? Évidemment sur les grands ministères dépensiers, sur ceux qui trouvaient dans les crédits des ressources élastiques et complaisantes, sur les départemens de la marine et de l’armée, qui avaient rendu presque illusoire le vote du budget normal par la chambre des députés. L’on se souvient en effet de la révélation étrange qui fut apportée au corps législatif dans la dernière session. On avait voté pour 1861 un effectif normal de 392,000 hommes ; on allait en voter un de 400,000 pour 1862, et l’on apprit tout à coup que l’effectif réel était au mois de juin de 467,000 hommes ! De même l’effectif normal de la marine était dépassé de 110 navires et de 12,000 matelots. La sincérité, la réalité, l’efficacité de la réforme financière sont donc étroitement attachées à une réduction importante de nos dépenses militaires.

Nous ne trouvons pas que la presse ait abordé ces questions avec la précision et la résolution que les circonstances réclament. Nous le reconnaissons, si elle n’est point encore à la hauteur de sa mission, ce n’est point à elle que la faute doit être imputée. Le ministère de l’intérieur se méprend à notre avis sur le véritable caractère de la situation présente. Le succès de mesures semblables à celles que l’on attend de M. Fould dépend entièrement du degré de confiance qu’elles rencontreront ou qu’elles exciteront dans l’opinion publique. Pour obtenir la confiance de l’opinion, il faut lui témoigner soi-même une confiance entière. Au lieu de la comprimer par des actes restrictifs, il faut provoquer son développement et ses expansions. Ce n’est malheureusement pas la politique que l’on a l’air de vouloir suivre. Les procès de presse ont rarement été plus nombreux sous ce régime. On a cru devoir rappeler dans le Moniteur comme une menace les rigueurs du décret sur la presse, comme si au moment où un amendement important est introduit dans la loi constitutionnelle, il était possible, en France, dans le pays même des intelligences promptes et de l’inflexible logique,