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liberté d’action sans finances libres et dégagées ; ceux même qui nous présentent toujours la perspective de guerres inévitables dans l’avenir devraient-ils oublier que l’argent est le nerf de la guerre, et que c’est perdre les plus sûrs profits de la paix que de s’y consumer en stériles prodigalités ?

Nous formons donc des vœux sincères pour que le programme de M. Fould soit exécuté avec suite et avec succès. Nous ne voulons pas que, si ce programme venait à échouer, on pût faire remonter au parti libéral la responsabilité d’un avortement déplorable. Quels que soient les accidens extérieurs qui viennent nous prendre une partie de notre attention, ne nous laissons pas détourner du but qui nous a été proposé : faisons des finances, jusqu’à ce qu’elles soient rétablies sur des bases régulières, l’objet et le centre de l’activité politique du pays.

Les plans de M. Fould sont ignorés encore. Ils excitent sans doute une grande curiosité et sont attendus avec une vive impatience ; mais nous ne sommes pas de ceux qui ne voudraient pas donner au nouveau ministre le temps de les préparer, de les combiner et de les mûrir. Le sénat se réunira lundi pour examiner, discuter et voter le sénatus-consulte qui devra modifier, dans le sens indiqué par M. Fould, le système de notre comptabilité financière. Les discussions du sénat ne peuvent manquer d’éclairer les tendances de la nouvelle politique. La situation financière y sera sans doute examinée, les conséquences politiques des actes du 14 novembre y seront indiquées, et l’on assure que d’honorables sénateurs se proposent de les formuler en amendemens. Après cette session épisodique du sénat, dans le courant du mois de décembre, M. Fould devra sans douter présenter à l’empereur l’exposé de la situation financière, qui est publié chaque année à peu près vers la même époque. Nous ne savons si M. Fould pourra dans cet exposé faire connaître tous ses projets. La curiosité publique y devra trouver du moins d’intéressans alimens.

À nos yeux, dans les circonstances présentes, la presse n’avait pas besoin de connaître les vues du nouveau ministre pour donner un utile concours à l’œuvre de la réforme financière. Si on ne peut deviner les solutions de M. Fould, on possède du moins les élémens du problème qu’il s’est chargé de résoudre. Il aura à pourvoir aux exigences du passé, c’est-à-dire à liquider l’arriéré signalé par lui, et à pourvoir aux exigences de l’avenir, c’est-à-dire à établir un budget équilibré d’après le plan qu’il a indiqué. Nous admettons que la liquidation de l’arriéré ne soit point le premier travail dont il s’occupe. Cette liquidation suppose un emprunt ; or l’ambition naturelle d’un ministre des finances est d’emprunter aux conditions les meilleures : il est permis à M. Fould d’espérer que l’ensemble de ses mesures améliorera la situation du crédit public, et qu’en ajournant la négociation de nouvelles rentes il pourra faire profiter cette opération, de l’amélioration obtenue et la combiner avec d’autres opérations utiles au trésor. S’il rejette l’emprunt vers l’avenir, il faut que dans le présent M. Fould s’assure d’amples ressources de trésorerie, afin de n’être pas arrêté et détourné