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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 novembre 1861.

Encore un de ces accidens qui soumettent la raison des observateurs politiques à l’humiliation dès surprises et aux tortures de la perplexité ! Nous parlons du nouveau tour que donne aux affaires des États-Unis l’arrestation à bord d’un paquebot anglais de deux envoyés des états confédérés par un navire de guerre américain. Nous connaissons déjà l’effet produit en Angleterre par ce téméraire coup de main. La nation anglaise a ressenti avec une indignation unanime l’affront qui lui était infligé. Même dans le bouillonnement de la première émotion, elle avait conservé assez de sang-froid pour s’en remettre du soin d’apprécier la légalité de l’acte des États-Unis aux officiers judiciaires de la couronne ; mais sa patience n’a pas été mise à une bien longue épreuve, et la réponse des legal advisers de la reine a promptement donné raison à, l’expression spontanée du sentiment national. Le peuple anglais, ses légistes et son gouvernement considèrent l’acte du capitaine du San-Jacinto comme une violation flagrante du code des nations et une insulte directe a l’Angleterre. le gouvernement britannique est donc engagé à la face du monde, ou à obtenir la réparation de cette insulte, ou à en tirer une vengeance éclatante.

Ce n’est plus maintenant que de l’Amérique que pourrait venir la décision qui préviendrait une guerre lamentable. Le cabinet de Washington dés-avouera-t-il le capitaine du San-Jacinto ? Fera-t-il des excuses à l’Angleterre ? Relâchera-t-il les deux envoyés du sud, MM. Mason et Slidell ? On se pose fiévreusement ces questions ; mais ici la ressource des moyens rapides de communication, les chemins de fer, la télégraphie électrique, qui, pour les affaires du continent, donnent une satisfaction instantanée à la curiosité publique, fait absolument défaut. L’Atlantique n’a point voulu se laisser percer par le fil conducteur des messages électriques, et nous sommes obligés d’attendre, avant de connaître la résolution décisive du gouvernement américain, le délai nécessaire à l’accomplissement de deux voyages maritimes, c’est-à-dire plus de trois semaines. Jusque-là, nous serons réduits aux conjectures. Un fait déjà connu ne laisse malheureusement pas