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entre la France et le saint-siège, mais encore aux égards ordinaires que les gouvernemens se doivent entre eux, et que, si la cour de Rome répondait de la sorte aux témoignages de bienveillance dont nous lui donnons des preuves, nous n’aurions plus nous-mêmes qu’à régler notre conduite en conséquence. » Le pape ne tint compte des avis de cette république qui avait une si brillante politique en Italie, et Rossi fut ministre à Rome.

Il avait, disais-je, à réconcilier la papauté avec le sentiment national, et il ne désespérait pas d’y réussir en reprenant cette idée d’une confédération qui avait été depuis un an si souvent agitée. Il avait lui-même écrit, il est vrai, dans une lettre sur l’Italie, pendant l’été de 1848 : « La ligue est tardive comme remède, et comme organisation elle est prématurée ; » mais alors il n’y avait qu’une question, celle de la guerre. Maintenant les hostilités étaient suspendues, il y avait même une médiation européenne, et une ligue de tous les états de la péninsule apparaissait à Rossi non-seulement comme la combinaison la plus propre à sauver l’idée du mouvement national, mais encore comme un moyen de relever l’ascendant de la papauté en Italie. Il sentait surtout que c’était la seule forme sous laquelle le pape pût entrer dans une guerre d’indépendance le jour où elle éclaterait de nouveau. Il essaya de faire prévaloir cette idée, et il trouva dans le Piémont une résistance invincible, qu’il ne fit qu’accroître peut-être par une polémique agressive et mordante ; Il restait le domaine de la politique intérieure, et ici le nouveau ministre de Pie IX se mettait à l’œuvre, avec une indomptable vigueur. Il avait appelé auprès de lui un vieux patriote, le général Zucchi, et lui-même il se chargeait de l’administration et des finances. Il voulait avoir une force publique qui assurât un peu d’ordre et lui permît de réaliser sa pensée, qui était de réorganiser l’état tout entier, de restaurer le crédit et les finances, même en imposant des contributions au clergé, de créer un régime légal, d’ouvrir à tous les intérêts des voies nouvelles. Il pensait arriver ainsi, avec une œuvre à demi accomplie, devant le parlement qui devait s’ouvrir à Rome le 15 novembre. Deux mois de ministère avaient fait sentir partout une main aussi ferme que sûre. Malheureusement, dans la situation brûlante et désordonnée de l’Italie, cette audace tranquille et impérieuse d’un homme tenant seul tête à la révolution ne pouvait qu’attirer sur lui toutes les haines. Rossi pouvait compter peut-être, dans les provinces encore plus qu’à Rome, sur l’appui peu actif de bien des hommes paisibles qui n’aspiraient qu’à un régime légal ; mais en même temps il exaspérait réellement par sa supériorité, par sa vigueur comme par ses dédains, tous les partis qu’il froissait, de telle sorte qu’il se trouvait