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fausse analogie. Rien n’était plus facile assurément que de consulter les assemblées primaires et que d’en faire sortir une élection à peu près unanime ; mais après ? Qu’aurait fait votre monarque élu en face de ses électeurs ? Si après cette réminiscence du premier empire, après cette apothéose, il était naïvement rentré dans les voies constitutionnelles, si traitant ses électeurs non pas en enfans, mais en hommes, il les eût franchement et librement admis à exercer leurs droits sans les précautions nécessaires, que lui serait-il resté du prétendu prestige de son élection populaire, et qu’aurait gagné son pouvoir, sinon des causes, plus certaines et plus promptes d’affaiblissement et de chute ? Ainsi point de regrets : on ne sert pas à la fois deux causes qui s’excluent. C’était la liberté, la véritable liberté, légale et constitutionnelle, que la monarchie de 1830 promettait à la France ; elle ne pouvait inaugurer son règne en parodiant la république et l’empire. Si donc c’est par l’influence de M. Guizot et de ses amis que furent exclus les projets d’un semblable amalgame, la responsabilité doit leur en sembler légère. Pour moi, quand je me rappelle cette situation d’août 1830, cet assentiment général, cet élan des populations inquiètes et reconnaissantes, ces adhésions non provoquées pleuvant de toutes parts, et les honnêtes gens de tous les partis unis dans un même vœu, je ne regrette qu’une chose : ce n’est pas que la royauté naissante ait omis d’accomplir la formalité matérielle de son apparente élection, c’est qu’elle n’ait pas tiré parti de son élection réelle, c’est-à-dire de la position que la Providence lui avait faite, qu’elle n’ait pas profité de ce besoin qu’on avait d’elle pour faire ses conditions, s’établir à son rang, fonder son autorité et traiter tout d’abord avec la révolution, sans raideur provoquante, mais sans flatterie, sans complaisance, en un mot pour prendre dès le 9 août l’attitude du 13 mars.

On vit en effet bientôt par le terrain qu’on regagna ce qu’il eût été possible de n’en pas perdre. L’entreprise était hasardeuse, et ce fut un émouvant spectacle pour la France et pour l’Europe que l’entrée aux affaires et les premiers débuts de l’homme courageux qui se dévouait à cette tâche réputée impossible. Tous les regards s’étaient tournés vers lui. Il était, à vrai dire, le dernier champion, la suprême espérance des partisans, bien clairsemés déjà, de la résistance libérale. S’il ne faisait pas un miracle, la royauté retombait forcément aux mains de conseillers plus imprudens, plus aveugles encore que ceux qu’elle venait de congédier. M. Casimir Perier sans doute avait en lui les signes d’une grande énergie ; mais il n’en avait- fait preuve que contre le pouvoir, sur les bancs de l’opposition ; qu’en pouvait-on conclure pour l’entreprise qu’il tentait ? Aussi, lorsque ses premiers actes révélèrent sous un aspect