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conseillers, parmi lesquels on remarquait Danford. Une place particulière était réservée aux étrangers, et tout le peuple frappa des mains en criant : Mana ! mana ! quand ils s’y présentèrent. Les motifs pour lesquels l’assemblée avait été convoquée furent alors exposés, et la discussion commença. Ces sauvages étaient très parleurs, mais en même temps fort convenables. Nul ne prenait la parole qu’il ne l’eût obtenue ; ils prononçaient de longs discours qui étaient attentivement écoutés ; tous les yeux suivaient l’orateur, les physionomies reflétaient avec intelligence les impressions produites par le discours ; l’orateur parlait avec calme, d’une voix sonore, sans chercher ses mots, et s’accompagnait de gestes sobres et très convenables ; de temps en temps, après une longue période, il s’arrêtait quelques instans, comme pour laisser place aux applaudissemens ou aux interruptions, et la foule s’écriait : Binaka ! saka ! bien ! bien ! écoutez !

Quand on eut ainsi discuté les intérêts intérieurs et extérieurs, un orateur, prenant la parole au nom du chef, monta sur les degrés du mburé, et expliqua à la population quelle était la marche que le gouvernement comptait suivre. On l’écouta avec beaucoup d’attention, et les assistons semblèrent approuver ses paroles.

La réunion se termina, comme il était naturel, par un banquet. Les femmes qui, durant la discussion, s’étaient tenues discrètement à distance, sous un petit bois de palmiers, furent conviées à revenir. Alors une file de cent soixante jeunes filles, ayant pour tout vêtement des ceintures de fil d’hibiscus de couleurs variées, jaunes, blanches, rouges, s’avancèrent, portant chacune une corbeille de taros rôtis. Elles rompirent la file pour se réunir par groupes suivant les couleurs de leurs ceintures. Arrivées devant le mburé, elles déposèrent leurs corbeilles dans les mains des jeunes gens, qui en réunirent le contenu en un monceau ; les corbeilles se succédaient avec tant de rapidité que le tas fut en un moment considérable. Après s’être acquittées de leur office, les filles se retirèrent dans l’ordre où elles étaient venues. Alors des jeunes gens apportèrent sept cochons cuits qu’ils placèrent sur les taros, puis on procéda à la distribution, et tous firent honneur au festin.

Après l’assemblée, les Européens repartirent pour la côte, à l’exception de M. Seeman, qui obtint l’autorisation de prolonger son séjour dans les environs de Namusi, et qui en profita pour recueillir des observations intéressantes sur les habitudes des indigènes. Il n’y avait alors (août 1860) que quatre mois que M. Pritchard était parvenu à obtenir de Kuruduadua de ne. plus manger de chair humaine. Ce chef avait été jusque-là un franc cannibale. MM. Macdonald et Waterhouse en avaient pu juger lors de leur visite en 1856 ; ils