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me plaît. » Et il ajoute dans une autre lettre : « Je réponds à M. Rameau du plus grand succès, s’il veut joindre à sa belle musique quelques airs dans un goût italien mitigé. Qu’il réconcilie l’Italie avec la France ! » Le vœu formé par Voltaire ne devait se réaliser que beaucoup plus tard, mais il a pu voir l’évolution musicale opérée par Gluck sur un dessin dramatique tracé par Lully et restauré par Rameau.

Sur des pensera nouveaux faisons des vers antiques,


ce vers d’un poète aimé résume à merveille l’histoire de la musique dramatique en France, depuis Lully jusqu’à Rossini. Il est temps d’aborder la partition d’Alceste, qui a donné lieu aux considérations qu’on vient de lire.

L’ouverture d’Alceste est un morceau de musique instrumentale assez médiocre en soi ; mais, comme introduction symphonique d’un drame pathétique, elle réfléchit heureusement la couleur générale de l’action qui va se dérouler devant le public, et c’est ce que voulait Gluck avant tout. Écrite dans le ton de ré mineur, l’ouverture d’Alceste, sur laquelle Rousseau a fait des remarques assez puériles, ne s’achève pas, et ses derniers accords s’enchaînent au premier chœur que chante le peuple, réuni sur la place du palais d’Admète.

Dieux, rendez-nous notre roi, notre père !


s’écrie la foule éperdue sur quelques notes lugubres. Une trompette se fait entendre, qui annonce l’arrivée d’un héraut, lequel apprend au peuple le malheur dont il va être frappé. Le chœur qui succède au récitatif du héraut, — O dieux, qu’allons-nous devenir ? — plus développé que le premier, et empreint d’une douce tristesse, achève de préparer les cœurs et les esprits aux événemens qui vont suivre. C’est une belle introduction, que le chœur en si bémol, — O malheureux Admète ! — complète d’une manière heureuse. L’arrivée d’Alceste, avertie déjà du malheur qui doit la frapper, s’annonce par un beau récitatif et par l’air :

Grands dieux, du destin qui m’accable,


qui renferme de beaux élans, mais dont je n’apprécie pas trop le mouvement final et surtout la phrase incidente qui accompagne ces paroles :

Si l’on n’est pas épouse et mère,


phrase qui serait presque vulgaire, si elle n’était corrigée par le cri sublime qu’arrache à Alceste le souvenir de ses enfans :

O vous dont les tendres appas…


L’abbé Arnaud a écrit de véritables folies sur ce morceau, folies qui ont été répétées depuis. Je ne connais rien qui trouble l’admiration profonde qu’inspirent les belles choses comme les exagérations des esprits intempérans.

La troisième scène se passe dans le temple d’Apollon, où l’on voit entrer successivement le peuple, les prêtres, et Alceste avec ses enfans. Une symphonie