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REVUE MUSICALE

L'ALCESTE DE GLUCK

Alceste, tragédie lyrique de Gluck, a été reprise à l’Opéra le 21 octobre. Les représentations qui ont eu lieu depuis ont confirmé le succès de la première, et, quelle que soit l’imperfection de l’exécution, les grandes beautés que renferme cette œuvre remarquable ont été comprises et senties par le public du XIXe siècle. C’est un point capital qu’il importe de constater tout d’abord. La partition de l’Alceste française, qui fut représentée à l’Opéra pour la première fois le 16 avril 1776, est un remaniement de l’Alceste italienne, qui fut composée à Vienne et représentée sur le théâtre du Bourg de cette ville le 16 décembre 1767. Gluck a fait pour Alceste ce qu’il avait déjà fait pour Orphée, il a pris dans la première forme de son œuvre ce qu’il a cru pouvoir être approprié au goût du public français et aux moyens d’exécution que lui offrait alors l’Académie royale de Musique.

On sait que la carrière de Gluck peut se diviser en trois périodes bien distinctes. Dans la première, qui dure jusqu’en 1760, il vit d’instinct, il parcourt l’Italie et compose des opéras au goût de la nation qui l’accueille bien ; il obtient de nombreux succès par des œuvres plutôt improvisées que méditées, où se révèlent cependant les propriétés de son génie dramatique. Retiré à Vienne, qui fut toujours son lieu de refuge, il y médite sur la marche qu’il doit suivre, se forme une vue plus nette de la destinée de l’art qui a fait sa renommée, et se propose un but mieux approprié aux tendances de sa forte nature. C’est dans de pareilles dispositions qu’en 1762 il compose Orfeo, qui marque le commencement de la seconde période, période de réflexion et de système, qui se termine par Alceste. La partition de l’Alceste italienne, qui fut publiée à Vienne en 1769, contient une dédicace au duo de Toscane, où Gluck, par la plume de son poète favori Calzabigi, expose