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sciences occultes sont à la mode. Des sociétés nombreuses évoquent des esprits qui pour les uns sont les âmes des morts, pour les autres des êtres particuliers intermédiaires entre les hommes et Dieu. Tous ces spiritistes impriment en de longs volumes les conversations, les leçons et les théories de ces maîtres invisibles. Ces livres sont en général des traités de philosophie médiocres, remplis de définitions vagues et de mystérieuses promesses, entremêlés de recettes de médecine et de descriptions du ciel et de ses habitans. Le procédé des spiritistes est très simple ; ici, les tables tournantes et les planchettes munies d’un crayon ont disparu. Le médium maintenant parle ou écrit lui-même ; seulement il est convenu qu’à partir d’un moment donné, c’est l’esprit qui dirige sa main ou parle par sa voix. L’esprit du reste, par politesse sans doute, n’emploie jamais une langue que le médium ne connaît pas, et il dit rarement des choses qui pourraient choquer les opinions de celui-ci. L’évocation est faite par un simple acte de la volonté. Les hommes célèbres que l’on invoque se contentent de répéter ce que contiennent leurs livres ou de les désavouer sans détails ni explications. Les anges gardiens font quelques complimens à leurs protégés et leur donnent parfois des conseils généraux. Du moins nulle autre chose ne se trouve dans les livres de MM. Allan Kardec, Cahagnet, Guldenstubbé, Dupotet, Eliphas Lévi. Ce dernier est un pur magicien à l’ancienne mode. Il est impossible, en lisant le récit de ces expériences, de ne pas penser que s’il y a là ordinairement quelque supercherie, il y a parfois aussi une attaque légère d’hypnotisme. De même, lorsque les tables tournaient, l’attention et l’immobilité pouvaient faire perdre la conscience des mouvemens et même des pensées. C’était de très bonne foi qu’on assurait n’avoir ni parlé, ni remué, ni pensé. Ces hallucinations temporaires sont très fréquentes, et les circonstances au milieu desquelles opèrent les spiritistes leur sont très favorables. Au reste, ces exercices ne sont pas sans danger. La danse de Saint-Guy, l’épilepsie, la congestion cérébrale, en peuvent être les conséquences, et les journaux américains sont remplis d’accidens de ce genre arrivés à des médiums. Si donc une maladie mentale n’est pas la cause du spiritisme, elle en est l’effet.

La véritable merveille dont on ne se lasse pas de s’étonner, le phénomène inexplicable et triste, c’est la crédulité sans cesse renaissante, l’illusion que rien ne dissipe, la légèreté des jugemens, la facilité à tout admettre sans rien examiner. Tout le monde sait que le fait le plus simple et le plus naturel est difficile à connaître exactement. Dans les histoires composées avec le plus de soin et les renseignemens les plus précis, des erreurs se glissent à travers les plus minutieuses précautions. Les plus habiles, sans parti-pris et