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du duc de Wellington, entrer dans la rue où s’élève l’hôpital Saint-George (Saint George’s hospital), et ne point remarquer néanmoins, tout près de ce dernier édifice, une sombre et triste allée avec une arcade. Eh bien ! c’est par là qu’est notre chemin : au bout de cette ruelle, serrée entre les bâtimens de l’hospice et des constructions irrégulières, se trouve ce fameux établissement que des princes du sang, des évêques et toute l’aristocratie du turf ont souvent honoré de leur présence. Il fut fondé vers 1795 par Richard Tattersall, chef de la dynastie de ce nom, et qui avait été training groom (garçon chargé de dresser les chevaux) chez le duc de Kingston. Cette maison a deux spécialités bien distinctes : c’est un marché de chevaux de luxe et une sorte de bourse où se rassemblent les parieurs (betting men) qui jouent sur les courses. Le marché se tient dans une cour dont le centre est occupé par une espèce de temple à forme circulaire, avec des piliers de bois peint, et une coupole, le tout surmonté du buste de George IV. Sous la coupole est la figure d’un renard assis qui semble personnifier le génie du lieu, je veux dire la ruse. Dans un coin de la cour s’élève le bureau du commissaire-priseur, le grand Tattersall lui-même, qui, armé d’un monstrueux marteau, frappe la clôture des enchères en s’écriant : Sale (vendu) ! Tout le reste de cette aile des bâtimens est rempli par des écuries où passent les plus beaux chevaux du monde et par des salles où se trouvent des voitures de toutes les formes, également à vendre. Au-dessus de la porte cochère, je lus l’inscription suivante, qui me surprit par la grosseur des lettres : « Aucun cheval ne doit sortir d’ici sans être payé. » Vis-à-vis de cette cour, mais de l’autre côté de la ruelle, s’élève la chambre des souscriptions (suscription room), qui, par la forme de l’architecture et par la porte de chêne verni, ressemble assez bien à une chapelle de dissidens. C’est là que se réunit à certains jours et à certaines heures la confraternité des bettors (parieurs). Cette salle est haute, assez vaste, sobrement ornée ; sur les murs, on voit les portraits gravés de quelques patrons du turf et aussi les portraits à l’huile des chevaux célèbres. Au centre se dresse une masse octogonale de bureaux ou de pupitres sur lesquels les membres du club enregistrent les paris ou liquident les comptes. De l’intérieur de la chambre des souscriptions (ainsi nommée parce qu’il faut payer 50 livres sterling par an pour y être admis), on descend par quelques marches de pierre dans un enclos qui doit être un ancien jardin. Là s’arrondit une pièce de gazon entourée d’un chemin circulaire de sable jaune. Ce cercle d’herbe est le fameux betting ring de Tattersall’s ; ce chemin de sable est une sorte de manège où l’on essaie les chevaux durant les jours de vente.

Il faut visiter Tattersall’s par un temps chaud, hot time ; je ne