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établissement, M. Blinkiron, est de se procurer à n’importe quel prix le sang le plus fashionable. Durant le dernier siècle, il n’y avait guère que la noblesse qui élevât des chevaux pour les courses ; l’honneur de faire naître un favori contribuait alors beaucoup plus que le gain à l’entretien des haras. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi ; à peu d’exceptions près, on élève des chevaux de course par spéculation. Il en résulte que la race s’est beaucoup étendue ; on calcule qu’il se produit maintenant cinq fois plus de ces nobles animaux qu’il ne s’en produisait en 1762. L’art de les croiser a également fait des progrès ; c’est aujourd’hui à la fois une industrie et une science, souvent même une science occulte, à laquelle les éleveurs, breeders, demandent volontiers la pierre philosophale. À travers beaucoup d’incertitude et d’obscurité, car il reste encore plus d’un mystère à pénétrer dans le grand œuvre de la nature, cette science s’appuie du moins sur un principe solide, la transmission des caractères par voie d’hérédité. On ne saurait croire, disent les éleveurs, ce qui coule dans le sang, surtout dans le sang des thorough bred. On voit souvent non-seulement les caractères extérieurs, tels que la couleur, la forme des membres et du sabot, mais aussi les goûts, les vices et certaines excentricités d’humeur, descendre et se prolonger de génération en génération. Les hommes de l’art connaissent si bien ces faits qu’ils rejettent avec une résolution inébranlable le sang d’où pourraient sortir des infirmités héréditaires, et qu’ils corrigent par des croisemens utiles les défauts d’un ordre moins important ou d’une disposition moins tenace. Le premier soin d’un établissement comme celui de Middle-Park est donc de choisir les animaux qui ont acquis de véritables titres à la distinction. Un cheval qui a vaincu dans un grand nombre de courses et qui a figuré avec honneur dans le champ d’Epsom est généralement considéré comme le plus digne de reproduire la race. Il y a pourtant des exceptions, et certains coursiers célèbres sur le turf n’ont obtenu aucun succès dans les haras. On peut, dans certains cas, découvrir la cause de ces espérances déçues : les chevaux les plus renommés arrivent souvent dans les paddocks épuisés par leurs exploits, et il faut plusieurs années de repos pour qu’ils recouvrent toute leur vigueur. C’est ainsi que, d’après les annales des haras anglais, un assez grand nombre de jumens et d’étalons célèbres n’ont donné naissance à leurs meilleurs poulains que quand ils étaient relativement avancés en âge.

À Middle-Park, les cavales, brood-mares, conçoivent, pour la plupart, au mois de janvier et passent les onze mois de leur grossesse dans les prairies. Un charmant spectacle est celui de la mère avec son poulain, je pris plaisir à les voir couchés l’un près de l’autre au