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REVUE DES DEUX MONDES.

tit ! il a trop de fatigue pour son âge ! Mon père est un peu dur pour lui !… Heureusement les enfans, ça oublie… Je ne suis pourtant pas bien vieille, moi, et je n’oublie pas !… Je ne fais que penser…

LE DRAC, rêvant

À Bernard !

FRANCINE

Tiens ! il rêve de lui !

LE DRAC

Heureux Bernard ! elle t’aime, la belle Francine !

FRANCINE

Est-ce qu’il sait, cet enfant-là ? Je n’ai jamais parlé de ça devant lui.

LE DRAC, rêvant toujours.

Et voilà le jour des noces qui arrive !

FRANCINE, à part.

Oh ! non, il est passé, ce jour-là, pour ne jamais revenir ! (Haut.) Mais dis donc, Nicolas, réveille-toi ! Tu parles tout haut !

LE DRAC, sans l’entendre.

Bernard, Bernard ! tu as voulu consulter le sorcier pour savoir l’avenir !

FRANCINE

Qu’est-ce qu’il dit là ? Il dort toujours !

LE DRAC

Et le vieux bohémien t’a dit : Si tu te maries, c’est la misère et l’esclavage ; si tu cherches les aventures, c’est la richesse et la liberté !

FRANCINE

Ah !… serait-il possible ? Ah bah ! il ne connaît pas Bernard, lui ! Il l’a jamais vu !

LE DRAC

Imprudent ! la prédiction t’a troublé la raison ! Tu as eu peur du mariage, tu as demandé un délai.

FRANCINE

C’est vrai ça, pourtant !

LE DRAC

Francine a pleuré : tu l’aimais encore, tu as voulu t’étourdir. Le vin a eu vite raison d’un garçon jusqu’alors si sage. De l’ivresse, tu es tombé dans la débauche, dans la honte, dans l’abrutissement, dans la fureur !

FRANCINE

Hélas !

LE DRAC

Tu as abandonné Francine, qui, de chagrin, est tombée malade ; sa mère, qui l’était déjà…