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que l’on a pu dessaler économiquement le terrain[1]. On y réussit lorsque l’on dispose d’eaux douces provenant de cours d’eau, de bassins spéciaux, de canaux d’irrigation, ou même de l’égouttage de terrains drainés. Dans plusieurs de nos départemens méridionaux, on a recours à ces procédés ; le mode d’opérer varie suivant les circonstances locales : si le sol à dessaler est en pente, il suffit de faire arriver l’eau douce en nappe superficielle ou par des rigoles parallèles à la surface[2] ; si le terrain est horizontal et le sous-sol imperméable à l’eau, on laisse séjourner celle-ci pendant plusieurs jours, puis on la fait écouler, afin qu’elle emporte avec elle la plus grande partie de la solution saline. Dans le cas où le terrain immergé peut laisser infiltrer l’eau jusqu’à une profondeur plus grande que la couche de terre arable, elle entraîne ou refoule dans les couches inférieures la solution salée, qui est plus pesante, et permet à la végétation de parcourir toutes ses phases. Il est vrai que, sous les influences ultérieurement réunies de l’évaporation spontanée et de la capillarité du sol, les liquides remontent à la surface et y ramènent une surabondante salure. Tels sont en effet les phénomènes qui se succèdent en de telles conditions, et qui nécessitent le renouvellement des mêmes opérations à des intervalles plus ou moins rapprochés.

C’est ici que le drainage tubulaire, établi à la profondeur où l’infiltration pénètre, enlève les plus fortes proportions du sel en dissolution et augmente les effets réels du dessalage. Cette action permanente du drainage peut prévenir le retour des efflorescences salines qui obligent à réitérer les irrigations d’eaux douces. Déjà l’on peut citer un assez grand nombre d’exemples d’assainissement des localités environnant les sucreries indigènes, les féculeries, les distilleries agricoles, et où naguère les eaux de lavage de ces usines s’accumulaient, chargées de substances putrescibles, en stagnation dans des fossés et des mares graduellement plus étendues et infectant l’air à de grandes distances. Cette fermentation putride elle-même, si nuisible dans de telles conditions, était un signe certain de la présence dans ces eaux de substances organiques assimilables par les plantes sous la forme de produits ammoniacaux, de gaz acide

  1. Les terrains autrefois assujettis aux envahissemens de la mer, sur les plages de la Belgique et de la France dans les arrondissemens de Dunkerque, Calais, Boulogne et Saint-Omer, ont été définitivement débarrassés de l’excès de salure et conquis à la culture sur une étendue de 75,000 hectares, grâce aux persévérons travaux des puissantes associations des Moëres et des Watringues.
  2. Telle est en général la méthode d’arrosage au moyen de l’eau élevée mécaniquement ou par de simples ustensiles à bras, usitée en Égypte, dans l’Inde et en Chine, pour tous les terrains soumis à des irrigations périodiques.