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100 millions affecté à des prêts spéciaux, les propriétaires seront gratuitement informés des conditions plus ou moins favorables sur lesquelles ils pourront compter pour réaliser sur leurs domaines de pareilles améliorations. Dans certaines circonstances locales, heureusement assez rares, ils sauront que le sous-sol imperméable, formé d’un tuf trop rapproché de la superficie et difficile à entamer, occasionnerait des dépenses de main-d’œuvre trop considérables pour que l’opération pût être entreprise avec profit. Dans d’autres occasions où les pentes naturelles n’offriraient pas d’issues aux eaux en dehors de la propriété, ils reconnaîtront peut-être qu’il serait plus économique de percer les couches imperméables et de faire infiltrer au-dessous même de ces couches les eaux superficielles à l’aide d’une sorte de drainage vertical.

En 1850, le prix du drainage dans la Grande-Bretagne revenait de 3 à 4 livres sterling l’acre (de 185 à 246 francs l’hectare), en supposant les rigoles espacées à seize pieds (5 mètres). On estimait déjà que, dans des circonstances favorables, le prix de l’établissement du drainage peut être payé par l’accroissement de valeur du produit net d’une seule récolte obtenue sur un sol qui ne donnait jusque-là que de mauvaises plantes herbacées. En tout cas, les frais de premier établissement du drainage sont largement compensés par un intérêt annuel à la charge du fermier, qui de son côté gagne à cette amélioration un accroissement notable dans son revenu net. De pareils avantages, dès lors admis dans la Grande-Bretagne, fournirent les bases d’après lesquelles des prêts importans furent offerts aux agriculteurs et acceptés par eux avant que des sommes bien plus considérables encore fussent consacrées à de semblables opérations par des spéculations privées. Sur les 100 millions que le gouvernement anglais avait mis à la disposition des agriculteurs, 63 reçurent cette destination au bout de quelques mois, tandis que d’une somme égale consacrée en France par l’état et le Crédit foncier à la propagation du drainage, 100,000 francs à peine (moins de la six-centième partie) purent être consacrés à un pareil emploi ! La raison principale d’une aussi grande différence entre la conduite des agriculteurs français et celle des agriculteurs anglais, c’est que ceux-ci ne furent astreints à fournir d’autres sûretés au trésor national que la garantie résultant de l’accroissement de valeur produit par l’amélioration agricole elle-même, tandis qu’en France l’hypothèque devait frapper sur la valeur foncière totale : or, parmi les propriétaires disposés à profiter de ces avances, il s’en trouva bien peu qui fussent en mesure d’offrir de telles garanties, exemptes de toute obligation légale antérieure. Il semble donc résulter de cette double épreuve que le seul moyen de donner dans une pareille voie la plus