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le drainage tubulaire dans les usines spéciales et dans les fermes des trois royaumes de la Grande-Bretagne, où il avait pris un développement considérable[1]. Les premières manufactures que nous visitâmes aux environs de Londres étaient encombrées de tuyaux en poterie qui offraient des embouchures larges de 10 à 30 et jusqu’à 36 centimètres. Ce n’étaient pas des engins agricoles ; ils étaient seulement destinés à être adaptés aux maçonneries des maisons pour faire descendre les eaux ménagères dans les égouts ou drainer les habitations. On avait étendu à cette ancienne pratique, connue du temps des Romains, le nom nouveau de la récente invention rurale. En un mot, c’était un système de drainage des villes que nous avions tout d’abord rencontré, lorsque nous cherchions un drainage des champs. Toutefois nos observations sur ce point ne furent pas dénuées d’intérêt. Nous vîmes fonctionner d’abord les malaxeurs mécaniques qui opèrent le mélange intime des sables ou des cimens avec l’argile plastique, ensuite les puissantes presses, soit hydrauliques, soit à vis, en fer, qui refoulent ces terres corroyées sur de fortes filières, et forment à l’instant un ou plusieurs gros tubes successivement coupés par un fil métallique à mesure qu’ils descendent de la filière, et enfin portés aux séchoirs. En voyant cette série d’opérations mécaniques, nous pûmes prendre une idée assez exacte des principes sur lesquels s’est établie depuis lors la fabrication des tubes du drainage rural.

L’utilité et l’importance du drainage ne pouvaient d’ailleurs paraitre nulle part aussi grandes peut-être que dans les terres de la Grande-Bretagne. En effet, presque partout, en traversant les cultures plus ou moins soignées, les friches et les bruyères des trois royaumes, on voyait les raies du sol cultivé en billons, de même que les parties déclives des terrains incultes, accuser la présence d’eaux stagnantes retenues par les argiles du sous-sol ou maintenues parle niveau des ruisseaux, mares et pièces d’eau environnantes. À ces indices certains de la nécessité du drainage, il faut encore ajouter la grande difficulté que l’on éprouve en face d’un terrain trop dur : si l’on s’y prend trop tôt, l’on perd son temps, ses ustensiles et ses forces ; si l’on attend trop tard, le sol détrempé est pâteux, les attelages s’y enfoncent, et dans les deux cas la terre reste en mottes qu’on ne peut briser. L’utilité du drainage est encore manifeste lorsque, les eaux stagnantes n’apparaissant pas à la superficie

  1. À cette époque, bien que l’on désignât depuis très longtemps sous le nom de drains les canaux, tranchées, rigoles, que l’on creuse au milieu des marais pour faire écouler l’excès des eaux, le mot, drainage n’était pas créé. Il ne se trouve pus dans le grand dictionnaire de Wilson, en 1833. On le rencontre pour la première fois dans le dictionnaire anglais-français de Léon Smith, publié en 1850.