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nous nous sommes borné à décrire sommairement les résultats qui touchent à la production des céréales. L’utilité beaucoup plus générale de cette pratique, que nous envisageons ici au point de vue des engrais mixtes, dont elle favorise l’action, justifie les détails dans lesquels nous allons entrer.


I. — LE DRAINAGE.

L’utilité des pratiques relatives à l’assainissement des terres humides fut de très bonne heure reconnue. Les préceptes formulés du temps de Columelle remontent à l’année 42 de notre ère, et les conclusions si nettement déduites par Olivier de Serres de ses observations expérimentales, publiées depuis deux cent soixante ans dans son Théâtre d’Agriculture, ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. On ne pouvait guère cependant généraliser l’application de ces traditions locales avant la découverte toute récente d’une méthode qui permît de mettre à la portée des propriétaires de terres argileuses en tout pays les élémens complets d’un drainage économique, d’établir ces manufactures de tubes en poterie moulés par l’action intermittente ou continue de machines dont on connaît aujourd’hui plus de cent modèles.

La cuisson à la température rouge des tubes argileux préalablement desséchés à l’air a pour effet de rendre l’union plus intime entre la silice (acide silicique) et l’alumine ; l’argile (silicate d’alumine) se contracte, et après cette sorte de retrait ses particules, fortement adhérentes entre elles, ne peuvent plus être désagrégées par l’eau. Pour cuire les tubes, on les place debout dans des fours construits avec des briques ordinaires. C’est ainsi que les Romains, à Famars[1] et sur tous leurs campemens dans les Gaules, ont su fabriquer des conduits en briques creuses très résistans et destinés à différens usages, entre autres à l’écoulement des eaux de leurs habitations et de leurs salles de bains. On en retrouve encore de nombreux vestiges aux environs de Valenciennes, comme dans les ruines de ces thermes gigantesques où les eaux minérales étaient si largement utilisées par les Romains.

Le premier essai du drainage tubulaire en France paraît avoir eu lieu en 1845 sur la propriété de M. Lupin, dans le département du Cher ; mais on devait cette innovation à l’Angleterre, et quelques années plus tard, vers 1850, nous reçûmes la mission d’aller étudier

  1. Village du département du Nord, dont le nom vient de Fanum Martis, lieu consacré à Mars.