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les influences désastreuses dont les plantes et surtout les radicelles ont à souffrir. D’abord l’eau, qui remplit les interstices de la terre, en exclut presque la totalité de l’air indispensable à la respiration de ces jeunes organismes. Ensuite l’évaporation qui s’opère à la superficie du sol refroidit à la fois les racines, les feuilles et les tiges, et affaiblit dès lors l’activité végétative dans tous les organes de la plante. Les délicates spongioles qui terminent les extrémités radicellaires, placées ainsi dans des conditions anomales qui ne pourraient convenir qu’à des plantes aquatiques, se désagrègent : les cellules, devenues turgescentes, se disloquent en partie, elles tombent dans le liquide qui les baigne de toutes parts. L’eau, dont l’excès et la stagnation produisent tous ces désordres, enlève en pure perte aux engrais les substances solubles qu’ils contiennent, et ces nouvelles solutions aqueuses, loin de se montrer utiles à la végétation, sont beaucoup plus nuisibles aux radicelles que ne le serait de l’eau pure. Enfin les plantes dont les racines superficielles ont échappé à une immersion complète n’offrent, malgré une végétation parfois active, qu’une structure trop faible pour résister au poids et au choc des eaux pluviales, qui bientôt les renversent sur le terrain et compromettent la récolte tout entière.

Tels sont les dangers que le drainage et le colmatage sont destinés à combattre. Les principaux effets du drainage peuvent se résumer ainsi : dégagement des eaux souterraines, aération du sol, élévation de la température moyenne et assainissement des localités humides, résultats directs qui ont eux-mêmes pour conséquences de favoriser la végétation des plantes, d’accroître et. d’améliorer les récoltes tout en les rendant plus hâtives, de préparer le sol à recevoir de riches engrais et des irrigations fécondantes. Quant au colmatage, il consiste, en des circonstances locales particulièrement défavorables, à changer, à l’aide de procédés très simples, la configuration des surfaces irrégulièrement ondulées, à transformer des vallées marécageuses, à combler les fonds bas, humides et malsains, au moyen d’un limon fertile ou de terres végétales, entraînées par des eaux courantes bien dirigées, à obtenu, ainsi une surface plane facile à cultiver, une couche arable parfaitement disposée à profiter de l’action des engrais mixtes[1]. Déjà nous avons signalé ici même quelques-uns des remarquables avantages du drainage tubulaire[2] ; mais, en indiquant alors cette méthode comme une des plus grandes inventions agricoles du XIXe siècle,

  1. Le mot colmatage tire son origine du verbe italien colmare, combler, d’où dérive encore le nom de colmates, qui désignent les terres nivelées et assainies par ce procédé.
  2. Voyez la Revue du 15 octobre 1855.