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avant qu’il ne se montre au grand jour ; mais nous n’essaierons pas même une esquisse de sa vie parlementaire, d’abord parce qu’elle est plus connue, puis parce que l’ouvrage de M. de Barante en donne pour ainsi dire les éphémérides, complétées par un commentaire perpétuel[1]. D’ailleurs les temps du gouvernement de la restauration ne sont plus un mystère. L’histoire en a été écrite au point de vue parlementaire par M. Duvergier de Hauranne avec une fermeté d’esprit, une sûreté de jugement et un talent d’exposition que tout le monde admire. À un point de vue plus général, M. de Viel-Castel vient de commencer le tableau de la même époque dans quatre volumes qui me paraissent un monument de sagacité, d’exactitude, de justesse et d’indépendance. Dans toutes ces publications, Royer-Collard tient sa place et apparaît sous ses traits véritables.

Dans la politique qu’il a soutenue et personnellement représentée, un trait particulier nous frappe et nous importe en ce moment. Cette politique en général se réduisait, comme il l’a dit lui-même, à ne vouloir de la contre-révolution que le roi, de la révolution que la charte. Que cette politique fût bonne et sage, qu’elle dût être celle de la France bien inspirée, qu’elle le fût même au fond et qu’elle ait eu par momens des chances sérieuses de réussite, c’est assurément ce que nous n’avons nulle envie de contester. Par malheur, nous sommes obligé de reconnaître qu’elle n’était pas la plus praticable du monde ni la plus assurée du succès, ayant contre elle les préjugés de la dynastie, de son parti, de ses ennemis, et même quelques-uns des préjugés de la France qui voulait la soutenir. Ses revers nous ont plus affligé que surpris. Mais cette politique restant ce qu’elle est, c’est-à-dire celle qu’il eût été le plus désirable de voir triompher, elle donne lieu à une question grave qui se posa alors et qui reste encore posée : celle qu’on appelle la question de la démocratie, ou celle de savoir comment, la constitution démocratique de la société française étant donnée, on peut faire coexister avec elle d’une manière durable la monarchie constitutionnelle ou même tout autre gouvernement libre et régulier.

Le parti royaliste soutenait purement et simplement que cela était impossible. On étonnerait peut-être les lecteurs qui ont moins de cinquante ans en leur disant que le caractère de la politique de M. Royer-Collard, et en général de la politique doctrinaire, était d’être essentiellement démocratique. Elle était au moins taxée de l’être, et, à mon avis, elle le méritait. Il faut s’expliquer.

Le mot démocratie a plusieurs sens. Dans sa signification primitive

  1. Voyez aussi sur Royer-Collard orateur et politique l’étude de M. L. de Lavergne dans la Revue du 1er octobre.