Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 35.djvu/757

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

industrie, ce qui se passe en Angleterre, un encaisse de 350 millions, un portefeuille demeuré stationnaire, tout, ce nous semble, devait engager les régens de la Banque à envisager avec plus de sang-froid, à endurer avec plus d’aplomb la sortie de 29 millions en espèces. Il fallait du moins attendre le prochain compte-rendu mensuel qui aurait mis le public au courant de la situation, et lui eût permis de se prononcer en connaissance de cause. On cherchera peut-être à justifier la hausse de l’escompte par les retraits d’espèces qui ont eu lieu depuis que cette mesure a été arrêtée ; mais qu’on y prenne gardé, c’est à la hausse hâtive de l’escompte et à l’inquiétude qu’elle a excitée qu’on pourrait probablement attribuer avec plus de justice les saignées d’or qui ont été faites à la Banque depuis trois jours.

Cette hausse de l’escompte, ce signal de détresse arboré tout à coup ouvre assez tristement la campagne d’hiver pour notre situation intérieure. Nous espérons qu’on saura conjurer les effets d’un tel début, qui, comme nous le disions plus haut, coïncide si intempestivement avec l’application complète des récens traités de commerce. Si malheureusement la Banque était encore obligée d’aggraver les conditions du crédit, si l’on devait reconnaître qu’au lieu de céder à un mouvement exagéré de timidité, elle est réellement dominée par les nécessités d’une situation financière plus forte qu’elle, la question ne tarderait pas à devenir politique. Deux points sont très douteux dans la politique financière ou économique du gouvernement : ces deux points sont l’impulsion donnée aux travaux publics, laquelle a provoqué le seul mouvement de spéculation exagérée qui soit visible à l’heure qu’il est dans le pays, et l’excès des dépenses, qui va sans cesse grossissant nos budgets. Si, ce qu’à Dieu ne plaise et ce que nous nous refusons à croire, nous sommes destinés à traverser cet hiver une crise d’industrie et de crédit, ce sont ces deux points malades qui seront surtout mis en lumière. Le gouvernement et les membres des grands corps de l’état feraient bien, à tout événement, de se préparer à l’étude de la politique sobre et sensée qu’il est temps d’apporter dans la conduite des questions relatives aux travaux publics et aux finances.

Si à l’intérieur nous sommes aux prises avec des difficultés économiques qu’il eût été possible de détourner, au dehors nous avons affaire avec certaines difficultés dont il ne nous paraîtrait pas prudent de vouloir indéfiniment ajourner la solution. Parmi ces difficultés, la plus grave est assurément la question romaine. En traitant ici les divers aspects de cette question, nous ne nous sommes point trompés sur l’opportunité qu’il y avait pour l’Italie à entamer dès à présent un débat pratique devant l’opinion sur les conditions d’indépendance que le nouveau royaume offre à l’église en échange du pouvoir temporel de la papauté. Le chef du cabinet italien, M. le baron Ricasoli, a fait dans ce sens une ouverture au gouvernement français. Les journaux qui ont mentionné cet acte se sont trompés sur les circonstances dans lesquelles il a été accompli. Ce n’est point le ministre