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devra payer à l’étranger, et par conséquent la somme qu’il aura à prendre sur la réserve métallique de la Banque. Que fait donc la Banque en élevant le taux de l’escompte ? Elle restreint la production, elle diminue les moyens d’échange en produits avec lesquels on pourrait payer une partie de l’importation extraordinaire des céréales, elle accroît le solde qui devra être payé en numéraire à l’étranger, et elle augmente la pression qui sera exercée sur son propre encaisse. Si la situation permettait d’échapper à cette nécessité, ce n’était donc pas seulement l’intérêt industriel du pays, c’était son propre intérêt qui conseillait à la Banque de ne point élever le taux de l’escompte. Les considérations puisées dans l’application actuelle du traité de commerce conduisent à une conclusion semblable. Vous allez mettre vos industries en concurrence avec les industries étrangères sur le marché français ; vous allez avoir par conséquent une importation extraordinaire de produits étrangers : l’objet du traité de commerce est que les marchandises étrangères soient payées avec des produits nationaux. C’est juste au moment où la concurrence va commencer, et tandis qu’en Angleterre le commerce et l’industrie ont le crédit à 3 1/2 et à 3 pour 100, que vous placez le commerce et l’industrie de la France dans des conditions de crédit inférieures, et que vous lui faites payer l’argent 2 pour 100 plus cher ! C’est juste au moment où l’industrie française devrait être excitée à produire davantage pour niveler ses exportations avec ses importations nouvelles que vous arrêtez son essor !

Il nous semble impossible que des considérations aussi importantes n’aient point frappé les régens de la Banque et le gouvernement, qui a dû sans doute être consulté sur l’opportunité de l’élévation de l’escompte. Cependant l’on a passé outre. Quelle est la puissance des raisons qui a déterminé cette mesure ? Le public l’ignore et ne saurait s’en rendre compte. C’est encore un mal que cette ignorance. Nous ne pouvons parler, quant à nous, que des motifs que nous avons vus allégués dans divers journaux. Il semblerait que la principale préoccupation de la Banque se soit portée sur la question purement monétaire. Le grand argument aurait été l’insuffisance de la récolte et l’exportation de numéraire qu’elle devrait entraîner. On aurait parlé aussi de l’emprunt italien, placé en très grande partie en France, et dont les versemens successifs devraient faire sortir de France beaucoup d’espèces. Sous l’influence de ces diverses causes, la Banque de France aurait vu en quinze jours sa réserve diminuer de 29 millions. Bien que l’encaisse métallique fût encore de 350 millions, bien que depuis le dernier compte-rendu mensuel le portefeuille fût demeuré stationnaire un peu au-dessus de 500 millions, on a cru devoir entrer dans la voie des hausses de l’escompte.

Si les motifs allégués sont les seuls qui aient inspiré la résolution de la Banque, il nous est impossible d’y voir la justification suffisante d’une si grave mesure. La diminution de l’encaisse n’est pas le seul symptôme qui